Concerts et récitals Fidelio chansigné à Paris
Concerts et récitals

Fidelio chansigné à Paris

07/06/2024
© Ondine Bertrand/Cheeese

Philharmonie, Grande Salle, 31 mai

Cette version semi-scénique de Fidelio s’inscrit dans le cadre d’une tournée européenne du Los Angeles Philharmonic, placé sous la baguette  de son directeur musical et artistique, Gustavo Dudamel. Le souhait de ce dernier était d’associer pleinement à la représentation un public malentendant, par l’intermédiaire des acteurs sourds-muets du Deaf West Theatre.

L’opéra de Beethoven, qui représente un combat édifiant pour la liberté, mais résonne, aussi, comme un appel à l’inclusion et à la prise de conscience, s’est, de fait, imposé – la référence à la surdité progressive du compositeur étant, par ailleurs, totalement évidente.

Concrètement, chaque personnage est interprété, à la fois, par un chanteur et un acteur sourd, qui intervient, via la langue des signes internationale (LSI), l’un et l’autre se voyant dotés d’une fraction de l’âme considérée.

Le metteur en scène vénézuélien Alberto Arvelo se charge d’articuler l’ensemble, pour parvenir à un équilibre un rien précaire, entre la gestuelle quelquefois encombrante, sinon envahissante, des chansigneurs, et le statisme des chanteurs, plus mesurés, et placés comme en retrait. Les moments les plus convaincants associent les chœurs, comme lors de la sortie des prisonniers de leurs geôles vers la lumière, à la fin de l’acte I.

Trois chœurs participent à ce Fidelio : Cor del Gran Teatre del Liceu, Cor de Cambra del Palau de la Musica Catalana, Coro de Manos Blancas. Le résultat dépasse les espérances, tant la puissance harmonique le dispute à la beauté et la majesté des voix, notamment masculines.

Hier impériale Turandot, puis Beatrice di Tenda moins convaincante, à l’Opéra Bastille, Tamara Wilson semble plus gênée aux entournures, dans le rôle de Leonore. Ce dernier nécessite, en effet, un instrument plus central et, surtout, plus large, au-delà des aigus dardés, dont la soprano américaine dispose avec aisance. Le personnage, comme occulté par son double, reste, de surcroît, trop en surface.

Le ténor britannique Andrew Staples possède, pour Florestan, un timbre assez clair et bien projeté, mais qui le pousse dans ses extrémités les plus douloureuses, dans la seconde partie de son air. Son interprétation manque, en outre, de nuances et de subtilité dans le rendu expressif.

James Rutherford campe un Rocco de tradition, face au vénéneux Don Pizarro de Shenyang. C’est, toutefois, le couple formé par Marzelline et Jaquino qui dispense les plus vives satisfactions. Gabriella Reyes fait valoir une ligne sensible et habitée, tandis que David Portillo lui donne une réplique pleine de fougue et de jeunesse. Quant à Patrick Blackwell, il confère beaucoup de caractère à Don Fernando, d’une voix un peu épaisse, certes, mais imposante.

La direction musicale de Gustavo Dudamel peut surprendre par une certaine retenue d’ensemble et un manque de flamme. Le chef vénézuélien a, il est vrai, fort à faire, de par le caractère atypique de l’expérimentation proposée.

Cette soirée particulière est, en tout cas, chaleureusement saluée par le public, dont tout un groupe de personnes malentendantes, manifestement enchantées et utilisant le signe approprié pour l’exprimer aux yeux de tous : agitation des mains en l’air, avec rotation des poignets.

JOSÉ PONS

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