1 CD Decca 485 2093
En novembre 2013, Cecilia Bartoli et le Kammerorchester Basel, dirigé par Muhai Tang, effectuaient une petite tournée européenne, avec un programme de musiques du classicisme viennois.
Comme souvent en pareil cas, la sortie d’un CD à la thématique voisine était prévue parallèlement mais, pour une obscure raison d’intendance, l’enregistrement de studio resta coincé quelque part chez Decca, avant d’être oublié ! Ce n’est qu’au printemps 2020 que Cecilia Bartoli s’en souvint, en se livrant, comme beaucoup d’entre nous, au même moment, à un travail d’inventaire.
Une histoire invraisemblable, et pourtant… La parution d’un album peut, effectivement, devoir attendre plusieurs années sa bonne fenêtre d’opportunité commerciale, voire, une actualité chassant l’autre, il peut arriver qu’elle soit reportée sine die. En l’occurrence, heureusement que la diva italienne a eu le temps de ranger un peu dans ses souvenirs de carrière, car ce programme, baptisé Unreleased (Impublié), est très beau, sans rien d’un récital raté ou laissant à désirer (un autre motif de pieux oubli, parfois…).
D’abord, la mezzo-soprano est très bien entourée : un accompagnement aux sonorités transparentes et allégées, mais sans non plus, de la part de Muhai Tang, d’agitation excessive. Simplement un discours fluide, marqué de délicates ponctuations au pianoforte.
Et puis, en 2013, Cecilia Bartoli était à l’apogée de ses moyens, avec un timbre plein, des couleurs vocales toujours passionnantes, et une expressivité théâtrale trouvant un champ adéquat dans ces Airs de concert, écrits par Mozart, Haydn, Myslivecek et Beethoven pour les plus grandes voix de leur époque, sopranos ou castrats.
Même si l’homogénéité du timbre n’est pas parfaite sur toute la tessiture – défaut dont la cantatrice a toujours su tirer des atouts expressifs –, les redoutables « Ah ! perfido » de Beethoven et « Berenice, che fai ? » de Haydn passionnent par leur engagement. Il aurait été dommage de ne pas les connaître, chantés par une interprète aussi percutante, même s’il ne s’agit peut-être pas de versions de référence.
En revanche, « Non temer, amato bene » K. 490 et « L’amero, saro costante » (Il re pastore) de Mozart, tous deux en compagnie du luxueux violon obligé de Maxim Vengerov, sont des joyaux. Quant aux célèbres « Ah, lo previdi » K. 272 et « Bella mia fiamma » K. 528, ils constituent une belle leçon, compromis idéal entre investissement dramatique et beauté de la ligne de chant.
Donc, huit ans d’attente, mais pour un disque qu’il aurait été dommage d’oublier définitivement dans les
cartons.
LAURENT BARTHEL