Le premier récital en solo du baryton britannique Huw Montague Rendall, objet de la couverture du numéro 205 d’Opéra Magazine, est un coup de maître, comme on en rencontre peu dans l’univers du disque.

Depuis combien de temps n’avions-nous pas entendu premier récital aussi extraordinairement réussi ? Pour un jeune chanteur en pleine ascension, l’exercice est périlleux, puisqu’il s’agit de montrer tout ce que l’on peut faire, sans donner l’impression d’un patchwork sans queue ni tête.

Le premier mérite du baryton Huw Montague Rendall est d’avoir choisi un fil conducteur tenant la route, que résume le titre de l’album : Contemplation. Chaque morceau est un moment d’introspection, de questionnement sur soi-même et les inconnues de son propre futur, tantôt joyeux, tantôt mélancolique, l’harmonieux enchaînement des plages évitant les pièges de la monotonie et du fourre-tout.

Passer, sans transition, de Monsieur Beaucaire à Die Zauberflöte, Carousel de Rodgers & Hammerstein et les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler, relève de la gageure, reconnaissons-le. Huw Montague Rendall franchit l’obstacle grâce à un saisissant alliage de qualités : un timbre de baryton lyrique, à la fois riche, lumineux, séduisant et éminemment phonogénique ; une émission ferme et homogène, d’un grave robuste à un aigu extraordinairement facile, qui lui permet d’oser les piani les plus périlleux ; un phrasé, tour à tour, mordant et caressant ; une expression sobre et intense. Sans oublier une diction ahurissante de netteté et de naturel, sans une once d’affectation, en français comme en allemand, italien et anglais.

Enregistré en studio, en novembre 2023, le récital s’écoute, dès lors, comme une succession de merveilles : Hamlet émouvant et crédible dans ses interrogations existentielles (« Être ou ne pas être ») ; Valentin (Faust) irrésistible de tendresse et de foi en Dieu (« Avant de quitter ces lieux ») ; Fritz (Die tote Stadt) charmeur (« Mein Sehnen, mein Wähnen ») ; Billy Budd envoûtant (« Look ! Through the port  ­comes the moonshine astray ! ») ; Mercutio (Roméo et Juliette) étourdissant d’espièglerie (« Mab, la reine des mensonges ») ; Comte Almaviva (Le nozze di Figaro) fougueux, tout d’élégance et de morgue, malgré une curieuse manière de vocaliser (« Vedro, mentr’io ­sospiro ») ; Don Giovanni idéalement séducteur (« Deh, vieni alla finestra ») ; Monsieur Beaucaire sensuel et d’une classe folle (« Ô rose, merveilleux butin ») ; Papageno (Die Zauberflöte) réjouissant, malgré une Papagena plus ordinaire, en la personne ­d’Elisabeth Boudreault (intégralité de la scène 27 de l’acte II, avec les Génies) ; Billy Bigelow (Carousel) époustouflant de volubilité et de punch (« I wonder what he’ll think of me »).

Côté mélodie, le bonheur est identique : Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler, très bien contrastés, avec un sens aigu du théâtre ; Ich bin der Welt abhanden gekommen du même, tout de contentement et de sérénité ; Chanson triste de Duparc, plongée au cœur d’un océan de sensualité, dans la voix comme à l’orchestre, où l’on se laisse volontiers aspirer.

Dans l’entretien figurant dans ce numéro, Huw Montague Rendall insiste sur sa complicité avec Ben Glassberg. De bout en bout, le chef britannique ne fait qu’un avec son compatriote, à la tête d’un impeccable Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie.

RICHARD MARTET

Contemplation
Thomas – Gounod – Korngold – Mahler – Britten – Duparc – Mozart – Messager – Rodgers
Elisabeth Boudreault (soprano) – Oliver Barlow, Sam Jackman, Benjamin Gilbert (sopranos garçons)
Opéra Orchestre Normandie Rouen, dir. Ben Glassberg
1 CD Erato 5021732363794

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