Comptes rendus Butterfly très réussie à Saint-Étienne
Comptes rendus

Butterfly très réussie à Saint-Étienne

16/11/2021

Grand Théâtre Massenet, 5 novembre

Si la production d’Emmanuelle Bastet avait déjà convaincu lors de sa création, à Nancy, en juin 2019 (voir O. M. n° 153 p. 63 de septembre), sa reprise par l’Opéra de Saint-Étienne séduit encore : poétique, élégante visuellement, figuraliste sans être décorative, elle offre, de surcroît, une direction d’acteurs efficace et raffinée.

On sent chez Alexandra Marcellier une affinité évidente avec Cio-Cio-San, d’autant plus impressionnante qu’il s’agit ici d’une prise de rôle. La voix est dense, avec un très beau médium et des aigus affirmés, exprimant aussi bien la naïveté de Butterfly que sa foi inébranlable dans le retour de Pinkerton.

L’interprète est particulièrement touchante dans le duo d’amour de l’acte I, où le personnage se métamorphose, mais aussi à la lecture de la lettre de Pinkerton par Sharpless, au II. À 29 ans, la soprano française aborde le rôle avec une grande intelligence dramatique, qui présage de nombreuses et belles Butterfly dans la suite de sa carrière.

Florian Laconi incarne un officier de marine séducteur et inconséquent – bien que le caressant « Viene la sera » distille chez le personnage une sincérité et une émotion qu’on ne lui supposait pas. L’aigu est assuré, la diction a du mordant : voilà un Pinkerton plein de relief qui forme un couple puissant, scéniquement, avec sa touchante Butterfly.

Face à ces deux forces dramatiques, Valeria Tornatore offre une Suzuki sensible. Le Sharpless de Yann Toussaint possède une belle projection et une aisance scénique très appréciable, tout comme le Goro d’Antoine Normand, impeccable de cynisme. Les rôles secondaires sont remarquablement dirigés par Emmanuelle Bastet : Jean-Vincent Blot, Marc Larcher et Ornella Corvi ont peu d’occasions de se faire entendre, mais leurs personnages sont caractérisés avec soin.

Enfin, le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire convainc par son expressivité, tout comme l’Orchestre Symphonique, même si ce dernier se montre meilleur dans la douceur que dans les forte. À défaut de totalement emporter l’auditeur dans les grands effets dramatiques, la direction attentive de Giuseppe Grazioli propose un rubato très soigné et une souplesse du phrasé formidables dans les pages les plus délicates.

Cette Madama Butterfly très réussie soulève l’enthousiasme du public.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN

PHOTO © CYRILLE CAUVET

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