Comptes rendus Butterfly originale en DVD
Comptes rendus

Butterfly originale en DVD

26/02/2019

Puccini : Madama Butterfly

Au sein d’une vidéographie particulièrement abondante, cette nouvelle édition de Madama Butterfly, filmée à la Scala de Milan, le 7 décembre 2016, s’impose par sa nouveauté. Elle immortalise, en effet, la première version de l’ouvrage qui, le 17 février 1904, connut un cuisant fiasco dans ce même théâtre, conduisant Puccini à remanier sa partition, dans la perspective d’une recréation au Teatro Grande de Brescia, le 28 mai de la même année.

L’intérêt de cette redécouverte – doit-on aller jusqu’à parler de réhabilitation ? – est évident. Depuis toujours, nous écoutons Madama Butterfly dans sa version révisée, avec les transformations apportées à Brescia, mais également au Covent Garden de Londres (1905) et à l’Opéra-Comique (1906). Et rares sont les théâtres qui, avant la Scala, ont osé le retour à l’original (au disque, on se souvient du coffret de la firme Vox Classics, paru en 1997, avec Maria Spacagna en Cio-Cio-San).

Ce retour implique de renoncer à une page aussi célèbre que l’air de Pinkerton (« Addio, fiorito asil ») et d’entendre différentes scènes traitées d’une autre manière que celle dont nous avons l’habitude, le duo d’amour du premier acte et les tout derniers moments de l’opéra, en particulier. On signalera également que, dans cette Madama Butterfly en deux actes, les différences culturelles entre Américains et Japonais apparaissent plus marquées, avec de part et d’autre d’évidentes préoccupations mercantiles. À plus d’un moment, c’est donc un nouvel opéra que l’on a l’impression d’écouter, moins linéaire dans son cheminement, avec ici et là des éléments anecdotiques que Puccini, avec raison, fera disparaître par la suite.

Riccardo Chailly, directeur musical de la Scala, était certainement la personnalité musicale la plus à même de mener à bien ce retour aux sources. Sa direction, éminemment théâtrale, se ressent de l’admiration qu’il a toujours portée à l’œuvre de Puccini. Au grand souffle dramatique qui parcourt cette tragédie intimiste, s’ajoute une précision remarquable des couleurs et des lignes, jusque dans les moindres détails instrumentaux.

Dans son ensemble, la distribution se montre à la hauteur. Sans égaler certaines interprètes mythiques de Cio-Cio-San (Renata Scotto et Mirella Freni, pour ne citer qu’elles), Maria José Siri réussit à conférer à la petite geisha une présence attachante, avec une voix bien disciplinée, sans mièvrerie ni pathos excessif.

Privé de son air au II, mais convaincant au I, Bryan Hymel traduit plutôt bien les ambiguïtés d’un Pinkerton passionné avec mesure, plus calculateur que sincère dans ses élans amoureux. Pas très sympathique, lui non plus, Sharpless trouve en Carlos Alvarez une incarnation en tous points réussie. Une mention, encore, pour Carlo Bosi et Annalisa Stroppa, parmi les nombreux et excellents comprimari.

Pour cette nouvelle production, la Scala a fait appel à Alvis Hermanis. Reposant sur un ensemble raffiné de décors, costumes et projections, sa mise en scène ne se veut pas révolutionnaire. Dans son compte rendu de la représentation du 10 décembre, notre confrère Paolo di Felice s’était montré sévère, n’y voyant qu’« une imagerie de carte postale, aux antipodes de l’âpreté et de la cruauté de la musique » (voir O. M. n° 125 p. 55 de février 2017).

Est-ce l’avantage du DVD ? J’y retrouve, pour ma part, les ambiances d’un japonisme qui, en 1904, faisait les délices d’une classe européenne cultivée. En ce sens, on ne pouvait rêver cadre plus approprié pour ramener Madama Butterfly à ses origines.

PIERRE CADARS

2 DVD Decca 074 3982 & 1 Blu-ray 074 3985

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