Comptes rendus Barbe-Bleue en feu d’artifice à Lyon
Comptes rendus

Barbe-Bleue en feu d’artifice à Lyon

27/06/2019

Opéra, 14 juin

Une fois encore, Laurent Pelly retrouve Offenbach ; une fois encore, la réussite et le succès sont au rendez-vous, si l’on en croit l’accueil délirant réservé à ce Barbe-Bleue par le public de l’Opéra de Lyon. Lequel public est venu entendre une œuvre qu’il ne connaissait pas, et a découvert une pépite digne des Belle Hélène, Vie parisienne, Grande-Duchesse de Gérolstein ou Périchole écrites en ces années 1864-1868, si fécondes pour le compositeur.

Ses librettistes – l’immortel duo Meilhac & Halévy – n’y vont pas de main morte dans cet « opéra-bouffe », créé aux Variétés, le 5 février 1866, avec, en tête de distribution, José Dupuis et Hortense Schneider. Entre un monarque grotesque et cruel, des courtisans qui s’aplatissent comme des carpettes, une reine obligée dans sa jeunesse de céder à un mariage de raison, un héros sanguinaire, guidé par les frétillements de sa braguette et dont les exploits font la une des  journaux à sensation, et enfin une paysanne madrée, qui met tout le monde dans sa poche, chacun ou presque en prend pour son grade.

Le décor de Chantal Thomas représente successivement une cour de ferme, évoquant davantage les atroces Bodin’s que L’Amour est dans le pré, un laboratoire de savant dérangé, digne des séries Z de Jesus Franco, et un palais royal, définitivement petit-bourgeois. Tout cela très drôle, mené par un Laurent Pelly qui possède toujours ce sens précieux du « timing », indispensable pour monter aussi bien Offenbach que Feydeau. Quant à la partition, c’est un feu d’artifice constant d’airs et d’ensembles, parés de cette invention mélodique intarissable qui fait que leur auteur a traversé les siècles.

Brillantissime et étincelant, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon est dirigé avec un élan irrésistible par Michele Spotti, qui marie avec verve l’humour à l’élégance. La Clémentine d’Aline Martin compense une présence vocale assez faible par son brio scénique, et le chant un peu mince de Jennifer Courcier rend son Hermia/Fleurette encore plus ingénue. Quant au quatuor formé par Christophe Mortagne, impayable monarque, Thibault de Damas, ministre dégingandé, Christophe Gay, alchimiste aux deux visages, et Carl Ghazarossian, faux paysan et vrai prince, il ne mérite que des éloges.

L’héroïne, c’est Boulotte, une campagnarde qui n’a froid ni aux yeux, ni ailleurs, campée par la jeune Héloïse Mas avec un physique avenant, un timbre pulpeux, une joie de vivre communicative. Et Barbe-Bleue – barbe, crinière et trench-coat noirs, style KGB mâtiné de Landru –, c’est Yann Beuron, dont la voix s’est élargie et assombrie, mais qui délivre son habituelle leçon de chant : style impeccable, musicalité et phrasé d’exception, diction lumineuse, avec, de surcroît, un immense talent de comédien, toujours juste, toujours efficace. Un formidable artiste, qui mène une équipe épatante.

Probablement l’un des meilleurs Offenbach montés par Laurent Pelly, et l’une des créations les plus marquantes du « petit Mozart des Champs-Élysées » – pour mieux la redécouvrir, un DVD serait le bienvenu.

MICHEL PAROUTY

PHOTO © BERTRAND STOFLETH

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