Stavros Niarchos Hall/GNO TV, 29 mars
Curieux choix que celui d’Andrea Chénier pour célébrer le bicentenaire de la Révolution grecque, c’est-à-dire de la guerre d’indépendance contre l’Empire ottoman, commencée en 1821, où périt Lord Byron, et qui eût trouvé une meilleure illustration dans Le Siège de Corinthe de Rossini, en référence directe avec cet épisode de l’histoire hellénique. Sans doute les circonstances ne permettaient-elles pas d’envisager une nouvelle production, surtout d’une œuvre rare. Une pièce de répertoire, où l’idée de « révolution » était présente, aura donc semblé mieux convenir.
La mise en scène de Nikos Petropoulos, remontée par Ion Kessoulis, appartient à ce filon que l’on peut qualifier de « sans âge », au bon comme au mauvais sens du terme. Face à l’opéra historique de Giordano, elle opte pour une approche dont la littéralité et le réalisme de surface ne font que mettre en relief la psychologie un peu sommaire des personnages.
Certes, on lui reconnaîtra une efficacité indéniable, notamment dans l’utilisation d’un décor à transformation qui, au fil des différents tableaux, permet de gérer les changements de lieux avec fluidité. Mais les maladresses sont nombreuses, comme ce rendez-vous, au II, où Maddalena, censée se présenter à Chénier sous l’anonymat d’un déguisement de servante, apparaît dans la robe de bal qu’elle portait au premier acte !
Il revient donc à la distribution d’insuffler un peu de crédibilité à cette mise en scène tout droit venue du théâtre de (grand-)papa et qui, pourtant, ne date, semble-t-il , que de 2015. À 59 ans, Marcelo Alvarez ne peut plus prétendre incarner le caractère juvénile et emporté de Chénier sans forcer le trait.
De fait, le ténor argentin ne recule devant aucune exagération, soutenant un chant encore très convaincant par un engagement physique à la limite de l’histrionisme. Si le timbre n’a rien perdu de sa séduction, si la tessiture large du rôle ne lui pose aucun problème, sa prestation penche plus souvent du côté de l’exploit sportif que de la musique.
Plus discrète, la Maddalena de Maria Agresta ne commence à convaincre qu’au II, pour se révéler pleinement, au III, dans un « La mamma morta » d’un pathétique très senti. Au I, en effet, sa jeune fille manque singulièrement de malice. Dimitri Platanias offre à Gérard son solide baryton, plutôt bien chantant, malgré un physique qui limite un peu ses possibilités expressives au plan théâtral.
Dans la galerie des seconds rôles, si importants dans cet opéra, où le pittoresque abonde, on ne trouve guère de personnalité marquante, mais une troupe aguerrie de bons chanteurs, parmi lesquels on distinguera l’excellent Roucher de Yanni Yannissis et la très émouvante Madelon de Julia Souglakou.
Bien préparé musicalement, le chœur est trop statique, même dans les scènes où il est censé remuer. L’un des plus gros atouts de cette soirée de répertoire demeure la direction raffinée, attentive aux détails comme à la construction d’ensemble, de Philippe Auguin, à la tête d’un orchestre de bon niveau.
Filmé les 28 et 31 janvier 2021, pour une diffusion fin mars, le spectacle restera accessible sur GNO TV jusqu’au 31 juillet.