Comptes rendus Armide rossinienne à Marseille
Comptes rendus

Armide rossinienne à Marseille

14/11/2021

Opéra, 5 novembre

Armida (Naples, 1817) fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Marseille, en version de concert. La réussite de cette soirée fait un peu regretter l’absence d’une mise en scène, susceptible de valoriser la dramaturgie si particulière de l’œuvre.

Avec, sur le papier, six ténors et un rôle-titre réputé meurtrier, cet « opera seria » est notoirement difficile à distribuer. Comme à la création, les interprètes de Goffredo et Gernando, personnages qui disparaissent après le premier acte, se glissent dans les habits de Carlo et Ubaldo, au troisième. Idraote et Astarotte sont également confiés au même chanteur, le baryton Gilen Goicoechea, dont la belle voix ne parvient pas à faire sentir la différence entre les deux emplois, et qui semble moins à l’aise dans la tessiture plus grave du second.

Dans un opéra dominé par la vaillance et le brio, il revient à Matteo Roma d’ouvrir le ban en Goffredo. S’il paraît un peu tendu face aux exigences d’une tessiture redoutable, on remarque son timbre très personnel. Doté d’une technique sans faille, Chuan Wang donne beaucoup de relief à l’air de fureur de Gernando, faisant aussi bonne figure dans son affrontement hérissé de contre-ut avec Rinaldo. Plus épisodique, Eustazio permet à Jérémy Duffau de faire valoir une articulation parfaite dans le récitatif.

Dans un rôle qu’il connaît bien pour l’avoir abordé dès 2015, Enea Scala domine haut la main les aspects héroïques de Rinaldo, avec une puissance qui paraît inépuisable, des graves spectaculaires et des aigus percutants. Mais son vibrato serré et son timbre métallique convainquent moins dans les passages plus lyriques.

Débutant en Armida, Nino Machaidze ne possède pas l’assise dans le grave qui caractérise les héroïnes créées par Isabella Colbran. Mais, en authentique soprano, elle offre au personnage une voix souple, à l’aigu puissant, une aisance parfaite dans les vocalises de son grand air à variations et d’infinies nuances dans ses duos avec Rinaldo. Elle possède, surtout, l’autorité de la magicienne et sait en faire sentir la duplicité, ainsi que le mélange de force et de fragilité.

Déployé au parterre pour raisons sanitaires, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille brille de mille feux dans une œuvre sollicitant les pupitres solos, violoncelle et violon, pour le registre sensuel – et, plus encore, les vents, pour la tonalité martiale. En dépit d’un certain flou chez les cuivres dans l’Ouverture, il se montre impeccable, à l’instar du Chœur.

La direction, à la fois précise et engagée, de José Miguel Pérez-Sierra maintient l’équilibre entre fosse et plateau. Le chef espagnol offre, de surcroît, une exécution absolument intégrale de la partition, à laquelle le public, visiblement conquis, fait un triomphe.

ALFRED CARON

PHOTO © CHRISTIAN DRESSE

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