Théâtre gallo-romain, 12 août
Pour leur 21e édition, les Soirées Lyriques de Sanxay ont confié à Jean-Christophe Mast la mise en scène d’une nouvelle production de Carmen, somme toute traditionnelle, mais esthétique.
Un décor unique sert aux quatre actes – une porte d’inspiration mauresque, une plate-forme centrale, quelques marches en bois, des chaises – mais, bien que certains éléments soient mobiles, il offre assez peu de possibilités de jeu. Heureusement, il est accompagné par des effets de lumière : soulignant les passages les plus dramatiques, ils créent des contrastes de lieux et d’atmosphères.
Ainsi, aux couleurs chaleureuses de l’acte II – où les bohémiens se font comédiens dans la taverne de Lilas Pastia – succèdent les tons froids du III, on ne peut plus éloquents. Au IV, Jean-Christophe Mast compte surtout sur les costumes chatoyants pour séduire le public, la direction d’acteurs et le travail sur le décor s’avérant assez réduits.
Cette Carmen, avant tout un beau spectacle pour les yeux, évite habilement deux écueils : le statisme des chanteurs et l’excès d’« espagnolades », le metteur en scène ayant fait appel à de véritables danseurs de flamenco, emmenés par Carlos Ruiz. On est, en revanche, moins convaincu par la pantomime de l’Ouverture, annonçant le meurtre de Carmen, et par ce personnage muet, sorte de figure du destin, qui rappelle en permanence l’imminence de la tragédie : c’est déjà vu, et pas suffisamment exploité, pour constituer un véritable parti pris dramaturgique.
Ketevan Kemoklidze est une Carmen railleuse, au I ; mais, si l’on apprécie son expressivité, on regrette qu’elle s’exerce souvent au détriment du chant et de la ligne. Heureusement, les actes suivants mettent en valeur la voix sombre et corsée de la mezzo géorgienne, dotée d’une aisance scénique plus qu’appréciable.
Le Don José d’Azer Zada fait plus pâle figure sur le plan dramatique. Mais le ténor azerbaïdjanais dispose d’une jolie voix lumineuse et, si son français n’est pas impeccable, il reste compréhensible.
Ce soir, pourtant, c’est la soprano guatémaltèque Adriana Gonzalez qui rallie tous les suffrages : prestance, ampleur, lyrisme, nuances, tout y est pour incarner une très belle Micaëla. Un succès partagé avec l’Escamillo énergique de Florian Sempey, en pleine possession de ses moyens.
On retiendra aussi la Frasquita de Charlotte Bonnet – remarquable de projection –, l’élégant Moralès de Yoann Dubruque, ainsi que les Dancaïre et Remendado d’Olivier Grand et Alfred Bironien. Et si le Chœur des Soirées Lyriques est d’abord un peu léger, il gagne progressivement en intensité.
La direction musicale de Roberto Rizzi Brignoli laisse une impression plus mitigée : habitée et dynamique, elle se concentre trop sur certains détails (notamment aux cuivres), au détriment de l’ensemble, qui manque d’homogénéité et de densité, à l’exception de quelques pages très lyriques aux cordes.
Mais il est vrai que le plein air ne sert pas une lecture qui, à se vouloir trop précise et fouillée pour le cadre du Théâtre gallo-romain de Sanxay, perd de son éclat.
CLAIRE-MARIE CAUSSIN
PHOTO © CYRIL COSSON