Concerts et récitals Alcina en concert à Paris
Concerts et récitals

Alcina en concert à Paris

14/11/2025
© Amandine Lauriol

Théâtre des Champs-Élysées, 5 novembre

Trois ans et demi après son Giulio Cesare scénique ici même (voir O. M. n° 184 p. 55), la direction de Philippe Jaroussky déçoit dans cette Alcina : plus raide, manquant de grandeur, avec un ensemble Artaserse à la sonorité étriquée et pauvre en couleurs, et des problèmes d’homogénéité et de justesse chez les violons. Ajoutons, au continuo, un très envahissant théorbe, dont les irritantes guirlandes privent notamment « Ah! mio cor » de son essentiel staccato. Bon point au contraire, l’implication théâtrale des chanteurs fait constamment comprendre à qui s’adressent les airs.

Marina Rebeka, initiatrice du projet, s’étant désistée, c’est Kathryn Lewek qui aborde finalement Alcina. Forte d’une technique à toute épreuve (quels piani !) et très investie, même si la caractérisation peut gagner en noblesse et en complexité, la soprano américaine montre autant de sensibilité (sensuel « Di’, cor mio », bouleversant « Ah! mio cor ») que d’autorité (impressionnant « Ombre pallide », pris à un tempo d’enfer). Regrettons quand même, en seconde partie, un abus de suraigus interpolés (fa dièse dans « Mi restano le lagrime » !). Sa sœur Morgana, pour une fois confiée non à un soprano léger mais à une voix plus lyrique, trouve en Lauranne Oliva une superbe interprète, tant pour un « Tornami a vagheggiar » étincelant (malgré l’absence de vrai trille) que dans un « Credete al mio dolore » au cantabile suspendu.

Carlo Vistoli domine le plateau, sa voix de contre-ténor longue et charnue assurant avec brio la tessiture et les virtuosités de Ruggiero. Très jeune coq dans de sarcastiques « Di te mi rido » et « La bocca vaga », il éblouit dans « Sta nell’Ircana », aux périlleuses variations. On regrette en revanche la suppression de « Mio bel tesoro », et plus encore un « Verdi prati » aux ornements trop décoratifs. S’il confine un peu Oronte dans le registre comique, Zachary Wilder est un ténor très efficace, aux vocalises intrépides. C’est au contraire la noblesse et l’émotion qui frappent chez Katarina Bradić, dont cependant la Bradamante, depuis Aix il y a dix ans (voir O. M. n° 109 p. 36), a perdu en projection et en facilité, avec un « Vorrei vendicarmi » désormais bien bousculé. Enfin, Nicolas Brooymans est un Melisso dont l’autorité bonhomme compense l’inégalité de l’instrument : les graves peuvent impressionner, mais l’aigu se dérobe dans « Pensa a chi geme ».

Notons que si cette version fait sans dommage l’économie d’Oberto, rôle inutile, on est plus gêné par l’absence des chœurs, à l’exception des deux derniers, ceux des captifs libérés de l’enchanteresse, assez absurdement chantés par tous, Alcina comprise !

THIERRY GUYENNE

Kathryn Lewek (Alcina)
Carlo Vistoli (Ruggiero)
Lauranne Oliva (Morgana)
Katarina Bradić (Bradamante)
Zachary Wilder (Oronte)
Nicolas Brooymans (Melisso)
Philippe Jaroussky (dm)

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