Théâtre des Champs-Élysées, 11 octobre
La dernière fois que nous avions entendu Franco Fagioli, en juin dernier dans le même TCE, c’était dans une Semiramide de Rossini en concert – au sortir de représentations rouennaises (voir O. M. n° 215 p. 83) – , où son état vocal nous avait semblé préoccupant, avec des registres désunis. Cet ambitieux programme de bel canto (de Cavalli à Bellini) semble moins le pousser dans ses limites qu’Arsace, même si, à 44 ans, le contre-ténor argentin n’est plus à son zénith. L’instrument, autrefois fabuleux par son étendue, avec un grave corsé et des aigus mirobolants, et sa virtuosité, ont beaucoup perdu en arrogance et en projection, avec un médium désormais un peu opaque et un aigu rapetissé, sans parler d’une diction bien pâteuse. Mais dans ses limites actuelles, la prestation demeure appréciable, avec l’aplomb – non sans cabotinage – habituel.
Quatre arie du Seicento, signées Cavalli, A. Scarlatti, Cesti et Lotti permettent un démarrage en douceur, même si l’on s’étonne que cet habitué du baroque les chante dans la version des Arie antiche, en un legatissimo très romantique. Trois airs d’opéras XVIIIe achèvent avec plus d’éclat la première partie. Parfait contraste entre l’air de tempête du Rinaldo de Haendel « Venti, turbini », enlevé avec panache malgré des vocalises et des trilles brouillés par le vibrato, et le poignant « Sposa, non mi conosci » de Giacomelli (plus connu dans la version de Vivaldi « Sposa, son disprezzata »). « Parto, parto » de La clemenza di Tito de Mozart le trouve très prudent, notamment pour les coloratures finales et les si bémol, assurés mais en tête d’épingle.
La seconde partie romantique s’ouvre avec quatre ariette da camera de Bellini et Donizetti, sans grand péril mais délivrées avec goût. Plus exigeants, les deux Rossini montrent de nouveau des élans plus mesurés, surtout pour Malcolm de La donna del lago (« Mura felici »), moins dans « La pietà che in sen serbate » d’Eduardo e Cristina. En rappel, le délicat « La rosa y el sauce » de Guastavino et le plaisant « Non ti scordar di me » de Curtis achèvent de mettre le public en délire tout en scellant la complicité avec le piano efficace de Michele D’Elia.
THIERRY GUYENNE