Concerts et récitals Farnace à Paris
Concerts et récitals

Farnace à Paris

20/10/2025
Key’mon W. Murrah et Adèle Charvet. © Javier del Real

Théâtre des Champs-Élysées, 8 octobre

Opéra fétiche de Vivaldi (sept versions entre la création à Venise de 1727 et le projet avorté pour Ferrare de 1738 !), Farnace est donné au TCE dans sa troisième mouture, pour Pavie (1731), où le rôle-titre, créé par une mezzo, fut adapté pour le ténor grave Antonio Barbieri. Pour leur première incursion dans l’opéra XVIIIe, I Gemelli en offrent une version de concert, donnée aussi à Madrid et Genève, chantée par cœur, et mise en espace, avec une grande lisibilité, par Mathilde Étienne, leur cofondatrice avec Emiliano Gonzalez Toro. On s’interroge sur l’adaptabilité à ce répertoire du principe qui fait l’originalité de cet ensemble, spécialisé dans le Seicento : ne pas suivre un chef, mais confier à chaque chanteur la conduite de ses propres airs. Cela fonctionne certes assez bien pour les interventions d’Emiliano Gonzalez Toro, mais les autres solistes se contentent la plupart du temps de suivre le tempo installé par des instrumentistes par ailleurs performants et stylés. Manque aussi cette architecture globale des équilibres, contrastes et progressions qu’apporterait une direction, car la construction d’une dramaturgie musicale n’est pas le point fort de Vivaldi, quelle que soit la beauté de ses airs. Après l’entracte (au milieu de l’acte II), la plupart sont en outre, pour limiter la durée, donnés dans leur seule partie « A », ce qui tronque fâcheusement l’organisation rhétorique.

Dans le farouche Farnace, Emiliano Gonzalez Toro montre une éloquence et une virtuosité appréciables, mais manque un peu de grave, notamment dans le déchirant « Gelido in ogni vena », où il est souvent contraint d’octavier dans l’aigu dès l’exposition. Des deux autres ténors, Juan Sancho incarne Pompeo avec autorité, malgré quelques aigus en force, alors qu’Alvaro Zambrano semble confiner – avec efficacité – Aquilio au registre comique. Fort contraste côté mezzos, entre la fière Tamiri à la voix charnue, puissante et étendue de Deniz Uzun, l’instrument plus léger et charmeur de Séraphine Cotrez en Selinda manipulatrice, et la Berenice vindicative d’Adèle Charvet, très engagée mais un peu éprouvée par la tessiture aiguë. La sensation nous vient de l’Américain Key’mon W. Murrah, dont le soprano moelleux, capable de virtuosité comme d’étonnants aigus filés, dessine un Gilade sensible.

THIERRY GUYENNE

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