Théâtre des Champs-Élysées, 7 octobre

Premier projet d’une œuvre de vastes dimensions (3 h) avec solistes, orchestre et chœur, tournée de 8 dates à la clé, cette Theodora marque, pour Thomas Dunford et son ensemble Jupiter, une étape importante. Le disque Eternal Heaven avait posé des jalons (4 extraits, dont 2 duos), et le bel orchestre réuni est dépositaire de précieuses expériences : il suffit de citer Béatrice Martin, déjà au clavecin et à l’orgue avec William Christie pour le disque de 2000, mais aussi en 2015 dans la fosse de ce même TCE, où elle voisinait au continuo avec un certain Thomas Dunford. Sur le podium, son inséparable archiluth à portée de main, celui-ci dirige avec aplomb, mais d’une battue, pour l’instant, trop métronomique : tout devient plus naturel et expressif dès qu’au fil de la soirée il marque moins les temps et mène en jouant. Le résultat – chanté par cœur, un grand bravo pour cela ! – est intéressant mais pas vraiment marquant, faute souvent de caractérisation musicale assez forte, et surtout de ce ton de ferveur si particulier à l’œuvre. Cela concerne le chœur, bien sonnant (surtout côté voix d’hommes, les sopranos étant un peu aigres et les altos – toutes féminines – un peu faibles), mais aussi et tout particulièrement le rôle-titre.

Lea Desandre donne certes divers signes d’expressivité – petite robe blanche, pieds nus, regard fixe – , mais en surface. La ligne de chant, elle, est loin d’être immaculée, encombrée de glissandi et portamenti déplacés, de notes qui sortent trop en raison de la tessiture (saut sur « in Heaven »), et l’anglais ni impeccable ni très inspiré. Cette Theodora finalement assez anodine n’atteint à aucun moment la dimension sublime et visionnaire de l’extase du martyre. L’Irene d’Avery Amereau, voix correcte malgré un grave artificiel et une intonation imparfaite, manque de charisme (c’est elle la meneuse des chrétiens), en particulier dans un « Lord, to Thee » expédié.

Le meilleur se trouve chez les hommes. Alex Rosen se force pour sonner méchant, mais on admire sa basse riche et sombre, malgré quelques vocalises bousculées. Septimius est un peu grave pour Laurence Kilsby, mais le jeune ténor britannique l’assume sans faillir, avec une impeccable virtuosité et une indéniable grâce. Le plateau est en fait dominé par le Didymus du contre-ténor Hugh Cutting, remarquable de projection vocale et magnifique de déclamation : merveilleux « Kind Heaven », poignant « Deeds of kindness », délicat « Sweet rose and lily ». Mais les deux duos avec Theodora sont un peu en panne de spiritualité, faute d’un vrai répondant chez celle-ci.

THIERRY GUYENNE

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