Incontournable manifestation hivernale de la Côte d’Azur, la 89e Fête du citron se décline, cette année, sur le double thème du rock et de l’opéra. Une sortie familiale et pleine de vitamine C, à découvrir jusqu’au 26 février.
La météo des vacances de février est souvent assez clémente à Menton pour que l’on puisse s’y balader sans pépin. Cette douceur climatique a permis à la commune des Alpes-Maritimes de devenir la capitale européenne du citron au XIXesiècle et de cultiver ce souvenir par un grand rendez-vous populaire, en même temps que Nice célèbre son carnaval à quelques encablures. Enracinée depuis 1934, la fête attire, chaque année, quelque 200 000 visiteurs avec deux attractions : des défilés de chars et une exposition de sculptures monumentales, entièrement composés de milliers d’agrumes.
S’autorisant un brin d’audace, l’édition 2023 a composé sa symphonie en jaune, orange et vert sur le thème conjoint du rock et de l’opéra, qu’elle met en scène à travers leurs figures de légende ou leurs grands personnages. Les guitar heroes – Johnny, Elvis, etc. – sont chargés d’électriser les corsos diurnes et nocturnes (payants), tandis que sept « mises en scènes » lyriques dominent les jardins Biovès, une promenade en plein centre-ville, dont l’accès est entièrement gratuit.
Lakmé, d’amour et d’amertume
Les touristes mis en appétit par cette plaisante balade de fruits, y découvrent un hommage à peine masqué à l’Opéra de Pékin, une évocation du Nabucco de Verdi ou du Lohengrin de Wagner, facilement repérable grâce à son cygne imposant. Les héroïnes tragiques ont aussi le beau rôle, quel que soit leur registre. L’explosive Carmen (Bizet) joue allégrement de son charme, quand la romantique Lakmé (Léo Delibes) croit s’épanouir dans les bras de son bel officier britannique. Tous ceux qui connaissent leurs classiques savent à quel point la jolie fleur en concevra de l’amertume… Dernière ville française avant l’Italie, qui ne se situe qu’à trois kilomètres, Menton attire nos voisins transalpins ; ils apprécieront certainement la présence de l’incontournable Tosca et de la papillonnante Madama Butterfly pour représenter Puccini.
Hauts de 8 à 12 mètres, les motifs acidulés impressionnent par leur taille, mais le public n’a pas toujours conscience de la mobilisation qu’implique leur confection. La démesure fait aussi partie de l’envers du décor. Cette année, la fête a nécessité 120 tonnes d’agrumes, dont l’assemblage implique le recours à près d’un million d’élastiques ! Une prouesse, même si les petites mains qui s’affairent en coulisses ne dissertent pas, pour la première fois, sur un thème musical. L’an passé, les réjouissances portaient sur le thème « Opéras et danses » ; en 2018, sur Bollywood et, en 2017, sur Broadway.
Kitsch mais pas tarte, divertissante et bon enfant, la fête mentonnaise peut offrir une occasion d’initier les plus jeunes aux grandes œuvres sans leur prendre le citron. Notons à l’attention des fétichistes qui voudraient emporter un souvenir de Tosca ou un morceau du jupon de Carmen, que les fruits sont mis en vente à prix cassé à l’issue de la quinzaine. À tous, conseillons, enfin, de prolonger la flânerie la nuit. Le ciel d’azur sied aux créations tutti frutti, mais la voûte étoilée leur confère un zeste supplémentaire de théâtralité.
STÉPHANIE GATIGNOL
La Fête du citron, à Menton, Jusqu’au 26 février 2023.
