Philharmonie, Grande Salle, 25 novembre
Après Salzbourg et Lucerne, et avant Hambourg, Munich et Prague, Cecilia Bartoli, Les Musiciens du Prince-Monaco et Gianluca Capuano étaient de passage à Paris, à la Philharmonie, pour présenter La clemenza di Tito, en version de concert.
Si l’on pouvait croire le pari gagné d’avance, tant Cecilia Bartoli compte d’innombrables admirateurs, se déplaçant expressément dans le but de l’entendre, son Sesto prouve que la diva italienne ne se repose pas sur ses acquis. Maîtrise constante de la voix, engagement dramatique formidable, Cecilia Bartoli domine la soirée par l’intensité dont elle fait preuve, dans son jeu comme dans son chant. Car, si la version de concert la laisse nécessairement face au public, elle semblerait presque faire abstraction des spectateurs, tant elle est concentrée dans son personnage.
Le reste de la distribution ne s’en trouve pas, pour autant, écrasé ou éclipsé. On assiste ainsi à une performance assez éblouissante de John Osborn en Tito, où le format vocal n’empêche jamais l’élégance de la ligne. Voix rayonnante, magnifique legato, aigu brillant (notamment dans « Se all’impero »), le ténor américain incarne l’ambivalence, entre autorité et aspiration au bien, qui caractérise son personnage : un interprète quasi idéal, en somme, pour un rôle aux exigences multiples.
La Vitellia d’Alexandra Marcellier ne manque pas de relief face à de tels partenaires, jouant la suffisance et l’ambition aussi bien que le remords. Mais on regrette une voix un peu légère dans le médium et quelques soucis d’intonation, ainsi que des tempi parfois précipités, ne laissant pas au chant le temps de se déployer (dans le trio « Vengo… aspettate… Sesto ! », par exemple). La soprano française n’en est pas moins très convaincante dramatiquement.
Parmi les rôles secondaires, on mentionnera d’abord, une fois n’est pas coutume, le Publio de Peter Kalman. En effet, dans les quelques récitatifs et l’unique air qui lui sont dévolus, le baryton-basse hongrois affiche une belle prestance vocale et une vraie intelligence dramatique.
Lea Desandre offre un Annio vif et juvénile ; la mezzo franco-italienne livre un très joli « Tu fosti tradito », la voix révélant seulement ses limites dans les ensembles, où elle est parfois couverte. Le couple Annio/Servilia fonctionne, en tout cas, parfaitement, le timbre corsé de la soprano française Mélissa Petit offrant un beau contraste avec celui de sa partenaire.
Les vingt chanteurs d’Il Canto di Orfeo forment un chœur énergique et investi, au son rayonnant et à la diction tonique. Ils répondent en cela parfaitement à la lecture de Gianluca Capuano, particulièrement vivante. On aimerait simplement davantage de respirations et d’effets expressifs ; car, si les airs de Sesto sont extrêmement dramatisés, les autres personnages n’ont pas cette chance.
L’orchestre Les Musiciens du Prince-Monaco possède une très belle couleur, et une précision impeccable – on mentionnera, tout particulièrement, les solos intenses de la clarinette et du cor de basset, comme totalement intégrés à la dramaturgie.
Devant un public venu en nombre applaudir Cecilia Bartoli, c’est donc le concert dans son ensemble qui a su séduire les spectateurs, lesquels n’ont pas manqué de manifester leur enthousiasme.
CLAIRE-MARIE CAUSSIN