Salle des Combins, 25 juillet
Avec cette magnifique version concertante d’Un ballo in maschera, le Festival renoue avec les fastes des années d’avant-Covid. Pourtant, l’inquiétude s’installe dans la salle quand on annonce, avant que la représentation ne commence, qu’Angela Meade, souffrant d’une pharyngite, demande l’indulgence du public. Et s’accroît lorsque, au début de l’acte II, on apprend que la soprano américaine ira au bout de la soirée, mais sans chanter les deux grands airs d’Amelia : « Ecco l’orrido campo… Ma dall’arido stelo divulsa » et « Morro, ma prima in grazia ».
Pourtant, malgré toutes ces vicissitudes, cette soirée restera gravée dans les mémoires. Grâce, en premier lieu, à l’énergie vitale déployée par Gianandrea Noseda, à la tête du VFO (Verbier Festival Orchestra). En quelques répétitions, cette jeune phalange s’est trouvée comme électrisée par la direction musicale du chef italien, qui impulse à chaque famille d’instruments les justes couleurs verdiennes.
Malgré son état de santé, Angela Meade parvient à pleinement caractériser le personnage d’Amelia. Plus précautionneuse qu’à son habitude, peut-être, elle déploie une ligne de chant d’une grande beauté, ponctuée d’envolées lyriques superlatives et d’un art avéré du son filé. Le long duo fiévreux de l’acte II la trouve à l’unisson de son partenaire, en termes d’engagement et d’expressivité.
Il est vrai que Freddie De Tommaso fait forte impression en Riccardo. Sa voix, attachante par le charme du timbre et l’aisance de l’aigu, séduit plus par sa générosité que par son ampleur. Le ténor italo-britannique assure les élans du rôle avec une sensibilité patente. Reste à veiller plus attentivement au style et à peaufiner des moyens certes imposants, mais qui peuvent l’entraîner sur des chemins glissants, voire dangereux.
Ludovic Tézier, dans une forme inouïe, livre une magistrale leçon de chant verdien. La ligne conserve, à chaque instant, une rigueur et une noblesse qui n’excluent pas, bien au contraire, la sincérité ou la juste émotion. Longue et brillante, sa voix charpentée se libère complètement dans ce rôle de Renato, qu’il connaît à la perfection. Sans partition, le baryton français parcourt le plateau avec une autorité assumée et un rayonnement qu’il partage, sans affectation, avec l’ensemble de ses partenaires.
La soprano chinoise Ying Fang, au timbre corsé, confère à l’insouciant Oscar une profondeur inusitée. La mezzo italienne Daniela Barcellona (remplaçant Ekaterina Semenchuk, souffrante) ne possède pas toute l’étoffe vocale attendue pour Ulrica, notamment dans la projection ou la profondeur des graves. Mais l’intensité dramatique s’avère belle.
Plusieurs stagiaires du VFA Atelier Lyrique complètent cette distribution, parmi lesquels deux excellents barytons-basses, le Britannique Daniel Barrett et l’Allemand Dennis Chmelensky, en Samuel et Tom.
David Sakvarelidze s’est chargé de la mise en espace du concert, et Aline Foriel-Destezet, principale mécène de la représentation, de la conception vidéo, sans que ces apports apparaissent réellement décisifs dans le succès remporté par l’ensemble de l’équipe.
JOSÉ PONS