Absent, n’exagérons pas, dédaigné, quelquefois, Massenet n’a, en tout cas, pas la place qui devrait être la sienne à l’Opéra National de Paris. Mais faisons plutôt les comptes de ces deux dernières décennies. Werther n’a pas manqué, qui fut même, lors de la création parisienne du spectacle de Benoît Jacquot, parmi les rares moments de grâce – Jonas Kaufmann, Sophie Koch, Michel Plasson ! – de l’ère Nicolas Joel.
Ce dernier eut l’idée, mauvaise a posteriori, de confier Manon – qui n’était pas rare avant, et ne le sera sans doute pas davantage, aujourd’hui et demain, dans la production de Vincent Huguet, dernier legs, avant que tout s’arrête, de Stéphane Lissner – à Coline Serreau, cuisant ratage passé par pertes et profits. Don Quichotte put s’enorgueillir, au début du millénaire, de la présence de Samuel Ramey, puis de José Van Dam, l’un et l’autre encore vaillants. Météore, enfin, Le Cid fut monté autour de, mais surtout pour, Roberto Alagna, en 2015.
Ceux qui attendent de la « Grande Boutique » qu’elle reprenne, dans le désordre, Thaïs, Hérodiade, Esclarmonde, et quelques autres, devront encore s’armer de patience. C’est, pour l’heure, Cendrillon – que Paris a croisée, voici onze ans, à l’Opéra-Comique, lieu de sa naissance, en 1899 –, qui fait son entrée au répertoire, le 26 mars. Et fort joliment parée de deux voix de mezzo-soprano : Tara Erraught, qu’il était temps de découvrir, dans le rôle-titre, et Anna Stéphany, qui a toujours idéalement porté le travesti, en Prince aussi mélancolique que charmant. Quant à Daniela Barcellona, elle s’empare, forte d’une vis comica récemment révélée par sa Mrs. Quickly, des outrances de la méchante belle-mère, Madame de la Haltière.
Assez à l’étroit dans la fosse, souvent trop sonore, de la Salle Favart, l’orchestre de Massenet ne peut que s’épanouir dans le vaste espace de l’Opéra Bastille, où il revient à la baguette de Carlo Rizzi de le faire briller de mille feux. Conteuse sensible, qui se garda bien de bouder, dans Hänsel und Gretel de Humperdinck, au Palais Garnier, le plaisir de l’enchantement, Mariame Clément tire, sous le regard de la Fée électricité, les fils d’un imaginaire foisonnant et (im)pertinent, à travers l’un de ces palais de verre que le compositeur arpenta à l’orée du siècle dernier.
MEHDI MAHDAVI