Opéra Grand Avignon, 12 novembre
Quand nous l’avions découverte à Nice, en mars 2013 (voir O. M. n° 84 p. 60 de mai), cette Madama Butterfly, mise en scène par Daniel Benoin, nous avait beaucoup plu. Avec les années, elle semble s’être encore bonifiée, et la distribution de l’Opéra Grand Avignon nous a paru plus convaincante.
Et pourtant, la titulaire de Cio-Cio-San, Noriko Urata, souffrante, a dû être remplacée, en cours de générale, par la jeune soprano française Héloïse Koempgen. Il faut lui rendre hommage, car elle interprète ce rôle difficile entre tous au pied levé, triomphant des embûches pour remporter, aux saluts, un succès mérité.
L’idée centrale de la production est de transposer l’action de 1904 à l’hiver 1945, dans une Nagasaki ravagée par la bombe atomique, cataclysme évoqué par quelques extraits de bandes d’actualités cinématographiques. Cio-Cio-San apparaît en kimono blanc, parmi ses compagnes en gris. Héloïse Koempgen incarne à merveille cette geisha de 15 ans, ce « papillon » que célèbre le livret, et sa voix pure brille dès le duo d’amour. Par la suite, la chanteuse rend bouleversant l’aveuglement de Butterfly et, en contraste avec son désespoir, lance des aigus éperdus.
Avi Klemberg campe un Pinkerton brutal, qui menace à coups de revolver le Bonze et joue avec les poupées des âmes des ancêtres. Le timbre plutôt sombre du ténor français s’accorde avec cette conception entièrement négative du personnage.
Christian Federici a beaucoup d’allure en Sharpless, tandis que Pierre-Antoine Chaumien est un Goro onctueux. Marion Lebègue prête sa silhouette élégante à Suzuki, qui semble à peine plus âgée que sa maîtresse. Elle n’hésite pas à se battre avec Goro, lui distribuant gifles et coups de pied.
Jean-Marie Delpas offre au Bonze une force impressionnante. Matthieu Justine incarne un Yamadori plein de prestance, qui fait son entrée en chaise à porteurs. Perruque blond platine et tailleur blanc, Pascale Sicaud-Beauchesnais donne à Kate Pinkerton une dimension humaine, qui transparaît dans ses répliques empreintes de compassion.
À la tête d’un superbe Chœur de l’Opéra Grand Avignon et d’un Orchestre National Avignon-Provence en grande forme, Samuel Jean dirige avec le souci constant de dévoiler toutes les beautés de la partition, dans une perspective à la fois aérienne et évocatrice.
BRUNO VILLIEN
PHOTO © MICKAEL & CÉDRIC STUDIO DELESTRADE