Comptes rendus Wexford aime Ambroise Thomas
Comptes rendus

Wexford aime Ambroise Thomas

19/11/2021

National Opera House, 23 octobre

Le Songe d’une nuit d’été d’Ambroise Thomas (1811-1896) n’a rien à voir avec A Midsummer Night’s Dream de Britten, ni même avec The Fairy Queen de Purcell. Il n’a, à dire vrai, pas grand-chose à voir avec la pièce éponyme de Shakespeare… Mais il a, par contre, tout à voir avec Shakespeare : l’illustre dramaturge est le héros de cet « opéra-comique », créé à Paris, Salle Favart, le 20 avril 1850. Dans une programmation qui, cette année, avait décidé de célébrer Shakespeare, il était donc pertinent d’exhumer cet ouvrage, que l’on avait pu voir au Théâtre Impérial de Compiègne, en 1994 (DVD Cascavelle).

Même sans avoir de rapport véritable avec le Shakespeare amoureux d’Alexandre Duval, l’opéra d’Ambroise Thomas, sur un livret de Joseph-Bernard Rosier et Adolphe de Leuven, aurait pu porter le même titre. C’est un plaisant marivaudage, où la reine Élisabeth Ière, incognito comme il se doit, jette son dévolu sur le jeune poète et recourt aux services de Falstaff pour l’amener chez elle, tandis que sa dame de compagnie Olivia tente d’aimer Lord Latimer, malgré sa jalousie dévorante.

L’œuvre est donnée en version semi-scénique, avec un décor rudimentaire (trois toiles peintes, tendues par des haubans) et quelques accessoires : quatre tables, une poignée de chaises et des objets typiquement -shakespeariens – dont le fameux crâne d’Hamlet –, pour la taverne du I ; un tapis de faux gazon, pour le parc du II ; et un autre tapis, rouge cette fois, pour les appartements royaux du III.

Reprenant un concept développé par le metteur en scène italien Walter Le Moli, tombé malade, son assistante Stefania Panighini signe un travail minimaliste, mais clair : son semi-scénique sait convaincre qu’il est verre à moitié plein. On découvre les personnages avant même que la musique commence, quand ils arrivent sur le plateau, alors que les lumières de la salle sont encore allumées. Shakespeare et Latimer répètent les passes d’armes de leur duel, d’autres revêtent leurs costumes – car il y en a – et, finalement, tous se réunissent pour l’inévitable selfie. Entre chansons à boire et travestissements, la suite sera convenue, mais efficace.

C’est à Élisabeth que reviennent les pages les plus brillantes de la partition : la soprano -arménienne Hasmik Torosyan s’en tire avec aisance et panache. Sébastien Guèze incarne un Shakespeare plein de charme, mais parfois, également, de suffisance ou de morgue, car tel est le personnage. Le ténor français doit aussi passer par un air d’entrée de démonstration, exigeant et périlleux, où il a besoin d’attaquer certaines notes par le bas et de recourir à des ports de voix. Mais, par la suite, il gagne en naturel, et son duo avec Élisabeth, au II, est un grand moment.

Dans le rôle de Latimer, l’Ukrainien Vassily Solodkyy, l’autre ténor du plateau, est bien moins à l’aise avec la prononciation du -français et cela s’entend, mais sa « Romance » (« Son image si chère ») n’en est pas moins une splendeur. Splendides, également, les deux chanteurs italiens de la distribution : l’Olivia raffinée et très sûre de la soprano Valentina Mastrangelo, et le formidable Falstaff de Tommaso Barea, baryton-basse élégant, d’une belle rondeur vocale.

Coup de chapeau, enfin, à Guillaume Tourniaire qui sait redonner vie, avec enthousiasme, à cette partition plaisante, quoique sans grandes ambitions. Le chef français excelle non seulement à faire sonner son orchestre aux effectifs réduits, mais aussi à se retourner, plus d’une fois, pour galvaniser les choristes, placés dans des stalles, de part et d’autre du parterre.

NICOLAS BLANMONT

PHOTO © WEXFORD FESTIVAL OPERA/CLIVE BARDA ARENAPAL

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