Auditorium, 2 novembre
Ce Macbeth était prévu de longue date, juste avant le premier confinement de mars 2020, pour être exact. La fermeture des théâtres n’a pas entamé la détermination de l’Opéra de Dijon, et même s’il a fallu trente-deux mois pour atteindre l’objectif, voici enfin la nouvelle production, avec la distribution initialement pressentie. Et l’opiniâtreté s’avère payante, car il aurait été dommage de se priver d’un tel spectacle.
La mise en scène foisonnante de Nicola Raab est une réussite, quoique très difficile à synthétiser et à expliciter. Il s’y déroule une idée par minute, qui file si vite qu’on a à peine le temps de l’intégrer et la digérer, avant de passer à la suivante. Les décors sont plutôt esthétiques, même si nous ne sommes pas dans le joli, mais dans le signifiant, sans toutefois pécher par la laideur ou l’excès qu’on associe souvent à trop de modernisme gratuit.
Le propos est de rapprocher la guerre – toutes les guerres, de tous les temps – et la folie des hommes. Ainsi on ne verra pas de kilts, mais des costumes modernes pour les messieurs, et une fort élégante garde-robe pour Lady Macbeth, qu’on lui envierait presque. Les lumières sont signifiantes, et les vidéos projetées en fond de scène, habiles, telle l’avancée de la forêt de Birnam. Macbeth meurt bombardé par un drone et ce n’est pas ridicule, mais au contraire d’une grande beauté plastique.
Les sorcières, ainsi que le chœur féminin, tout de blanc vêtues, jusqu’aux perruques, se déplacent dans deux structures blanches de longueur inégale, qui occupent tout le plateau et bougent en fonction des événements. Les choristes masculins, quant à eux, sont habillés de noir. C’est d’un grotesque inquiétant, comme probablement l’aurait voulu Verdi. Tous sont irréprochables, aussi bien scéniquement que vocalement.
La sensation de la soirée est l’époustouflante Lady Macbeth d’Alexandra Zabala. Belle à regarder, impressionnante à entendre, la soprano italo-colombienne rend justice à toutes les facettes de ce rôle surhumain, de la séduction à la domination, de l’ambition au remords, avec une facilité bluffante. Ses aigus sont aussi assurés que ses graves sonores, et sa palette de couleurs passe de la vocifération, sans aucun effet de hurlement, aux pianissimi murmurés et hallucinés de sa scène de somnambulisme. Du très grand art.
Pour lui tenir tête, on aurait préféré un Macbeth moins effacé que Stephen Gaertner. Pourtant valeureux titulaire du rôle sur des scènes prestigieuses, le baryton américain sonne d’abord faible et sans tonus. Il lui faut atteindre le troisième acte pour retrouver de la personnalité. Trac de la première ?
Dario Russo, en revanche, est un Banco éclatant, à la présence solide et au timbre brillant.Carlo Allemano incarne un Macduff élégant et joliment timbré. Yoann Le Lan est un intéressant Malcolm.
Sous la baguette efficace de Sebastiano Rolli, l’Orchestre Dijon Bourgogne évite les facilités et les effets de flonflon, dans lesquels peuvent basculer les Verdi de jeunesse.
CATHERINE SCHOLLER
PHOTO © MIRCO MAGLIOCCA