Lyric Opera, 23 septembre
Le Lyric Opera n’avait plus ouvert ses portes au public depuis le 8 mars 2020, pour cause de pandémie. Cette nouvelle production de Macbeth, en ouverture de la saison 2021-2022, a donc été vécue comme une renaissance, d’autant que la direction a profité des ces dix-huit mois de fermeture pour améliorer le confort de la salle (nouveaux fauteuils, nouvelle moquette), sans rien lui ôter de son opulence « Art déco ».
David McVicar transpose l’intégralité de l’action dans une église presbytérienne écossaise, à moitié en ruine, à une période proche de la date de création de la version révisée de l’ouvrage (Paris, 1865), choisie pour l’occasion. À de rares exceptions près, les costumes de Moritz Junge font écho aux murs gris du décor de John Macfarlane, dont le caractère oppressant ne s’atténue même pas dans le chœur d’allégresse final. Les cieux menaçants et les gerbes de flammes qui apparaissent alors laissent penser que le cycle de folie et de violence, censé s’être conclu avec la mort du tyran, n’est pas près de s’achever.
Les sorcières, assises sur les bancs de l’église, lisent parfois leurs prédictions dans des missels, trois gamins malveillants annonçant les horreurs à venir au fil de pantomimes, notamment une qui s’apparente à un rituel sacrificiel, avec une poupée et un petit cercueil (David McVicar part du postulat que le couple Macbeth a jadis perdu un enfant). Le tout, en plus de faire froid dans le dos du spectateur, accentue la paranoïa de Macbeth et de son épouse, qui plongent toujours plus avant dans la démence meurtrière.
Remplaçant Luca Salsi, initialement annoncé dans le rôle-titre, Craig Colclough, pour ses débuts in loco, apparaît d’emblée déséquilibré et incapable de résister à la volonté supérieure de sa femme. Le baryton américain joue tantôt sur le ton de la fanfaronnade, tantôt sur celui de la confidence, en alternant déclamation à la serpe et lyrisme murmuré, pour mieux faire saisir l’angoisse et le mépris de soi qui envahissent progressivement le personnage. Et c’est recroquevillé à terre que Macbeth, en toute logique, conclut son déchirant « Pietà, rispetto, amore ».
Dans la même veine, Sondra Radvanovsky essaie de ne pas faire de Lady Macbeth uniquement un monstre, mais plutôt un pion sur l’échiquier du destin. La soprano américano-canadienne accomplit un sans-faute pour cette prise de rôle, toujours cruciale dans la carrière d’une cantatrice, en opérant une synthèse miraculeuse entre qualité du chant et dons d’actrice. On saisit toute la complexité du parcours de la criminelle, d’abord intrigante et manipulatrice, puis complètement à la dérive et rongée par le remords.
Christian Van Horn interprète le célèbre « Come dal ciel precipita » de Banco avec une résignation touchante, Joshua Guerrero remportant un vif succès à la fin du non moins célèbre air de Macduff (« Ah, la paterna mano »). Enfin, Matthew Vickers campe un énergique Malcolm.
Directeur musical du Lyric Opera depuis le 1er juillet, Enrique Mazzola dirige l’orchestre et les chœurs de la maison (préparés par Michael Black), avec une variété quasi infinie dans les contrastes dynamiques et une spontanéité qui fait mouche à tout coup.
WILLIAM SHACKELFORD
© KEN HOWARD