Comptes rendus Radamisto conquiert Montpellier avant Paris
Comptes rendus

Radamisto conquiert Montpellier avant Paris

07/10/2021

Opéra Berlioz/Le Corum, 4 octobre

Premier opéra de Haendel composé pour la Royal Academy of Music de Londres, Radamisto impose sa singularité par le fait d’avoir été créé deux fois, durant l’année 1720 (en avril, puis en décembre). L’arrivée tardive de nouveaux chanteurs italiens dans la capitale britannique obligea, en effet, le compositeur à d’importants remaniements sur les tessitures de la distribution, mais aussi sur la partition elle-même.

Ainsi, la première version (HWV 12a) eut lieu avec, dans le rôle-titre, la soprano Margherita Durastanti ; et la seconde (HWV 12b), avec le castrat alto Senesino. Grand succès dans les deux cas, l’œuvre étant remontée à plusieurs reprises, avant de sombrer dans l’oubli jusqu’à sa résurrection, en 1927, à Göttingen.

L’Opéra Orchestre National Montpellier a vu juste, en choisissant d’être l’une des étapes de cette tournée européenne, à travers la France, l’Espagne, l’Allemagne et la Suisse, organisée pour promouvoir Radamisto. Dès l’Ouverture, les pupitres de l’ensemble Il Pomo d’Oro séduisent par leur profonde cohésion, leur impeccable dynamique. Sous la conduite instruite et passionnée du chef italien Francesco Corti, les sonorités s’épanouissent sans heurt, les lignes s’étirent avec grâce, les rythmes s’exposent avec une réelle variété.

Côté chant, le plaisir est quasi total. Si Philippe Jaroussky (en résidence à Montpellier, pour les trois prochaines saisons) n’a, peut-être, plus toutes les facilités d’autrefois dans le registre élevé, cela ne l’empêche pas de camper un Radamisto remarquable. Point culminant de la partition, son « Ombra cara » est une merveille de maîtrise et de sensibilité.

Aux côtés du contre-ténor français, Marie-Nicole Lemieux ne fait qu’une bouchée du rôle tout en contrastes de Zenobia. Par son chant puissant, généreux et engagé, la contralto canadienne livre une incarnation magistrale, aussi bien dans les airs qui lui sont dévolus que sur les récitatifs accompagnés.

En Polissena, la soprano hongroise Emöke Barath est un miracle de musicalité. Sa voix, à la fois pleine, ductile et touchante, couvre tous les registres émotionnels avec une aisance simplement irrésistible.

La mezzo italienne Anna Bonitatibus se révèle parfaite en Tigrane. Son chant, expansif et virtuose, la montre idéalement en phase avec son personnage. Quant à la jeune Espagnole Alicia Amo, elle se joue sans difficulté des airs très ornementés de Fraarte, écrit pour un castrat soprano.

Le Farasmane du baryton-basse italien Renato Dolcini est de vraie prestance. Son timbre profond et véloce séduit sans réserve. Enfin, il faut saluer l’aplomb du ténor américain Zachary Wilder dans le difficile rôle de Tiridate. Si la voix n’est pas grande, l’intention se révèle toujours très juste et pertinente.

Pour sa variété musicale et son développement dramaturgique bien ficelé, nul doute que Radamisto mériterait d’être plus souvent joué.

CYRIL MAZIN

© MARC GINOT

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