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Comptes rendus

Leonardo Garcia Alarcon triomphe dans L’Orfeo au disque

25/09/2021

Monteverdi : L’Orfeo

2 SACD Bis BIS-2519

2 CD Alpha Classics ALPHA 720

Hasard des parutions, deux versions de L’Orfeo nous parviennent au même moment, enregistrées en studio (juillet-août 2019 pour Bis, janvier 2020 pour Alpha Classics). Mais elles ne jouent pas dans la même cour.

Le disque dirigé par Fredrik Malmberg, avec un collectif vocal dont les membres assurent chœurs et rôles solistes – à l’exception d’Orfeo et de Caronte –, est, à tous égards, modeste. À commencer par son héros, un Johan Linderoth au timbre de ténor assez attachant, mais qui montre vite ses limites dans le grave et dans les paroxysmes dramatiques.

Autour de lui, quelques jolies voix (Musica et Speranza, notamment), mais toujours un peu sages, Maria Forsström, en Messaggiera, faisant exception sur ce plan. Caronte et Plutone sont trop peu contrastés, et Apollo se révèle dépassé par les vocalises du duo final. C’est, au fond, en tant que chœur que l’ensemble Lundabarock convainc le plus.

Cette modestie s’observe aussi dans la réalisation musicale. Elle fait entendre l’option d’un groupe de continuo – l’ensemble Altapunta – soutenant la déclamation et réalisant l’harmonie, relativement fourni mais discret et, surtout, peu diversifié au fil des scènes.

Avec Leonardo Garcia Alarcon et son ensemble Cappella Mediterranea règne, dès la célèbre sinfonia, une énergie phénoménale. Elle anime chaque pièce et, par une manière irrésistible de mener les enchaînements, nous entraîne dans un mouvement qui ne nous lâche plus jusqu’à la fin.

La réalisation s’impose par sa richesse et sa variété, grâce à un instrumentarium légèrement plus étoffé que chez Bis, mais avant tout par des choix très contrastés de couleurs, en une sorte de registration constamment renouvelée.

Le Prologue est un véritable manifeste sur ce plan, où flûte à bec et saqueboutes s’invitent dans les récits de Musica. Ce côté volontiers foisonnant, voire exubérant, ne rend que plus frappants les moments où le continuo se réduit soudain (à un luth seul, par exemple), notamment à la fin du II ou au début du V.

Cette imagination puissante, au service d’une théâtralité exacerbée, s’applique aussi à l’excellent Chœur de Chambre de Namur, Leonardo Garcia Alarcon semblant constamment, au pupitre, concilier les contraires. Ses tempi fluctuent, sans qu’on perde la sensation du tactus, et il réussit à préserver la cohésion de l’ensemble, tout en laissant libre cours à l’inventivité des instrumentistes.

Valerio Contaldo étonne d’abord, dans « Rosa del ciel », par un Orfeo plus homme ordinaire que poète. Mais c’est pour mieux se métamorphoser, à l’annonce de la mort d’Euridice, et atteindre une superbe inspiration dans « Possente spirto », pour lequel il a tous les atouts (grave, –coloratura di gola…), comme si c’était l’épreuve qui le révélait poète.

Ne pouvant citer toute la distribution qui l’entoure, on distinguera Giuseppina Bridelli, superbe Messaggiera, Mariana Flores, prenante Musica, puis originale Euridice et, encore davantage, Ana Quintans, belle Speranza, mais surtout Proserpina extraordinaire de sensualité et de séduction persuasive. Sans oublier l’impressionnant Caronte de Salvo Vitale, ni le parfait Apollo -d’Alessandro Giangrande.

Un Orfeo qui nous emporte comme rarement, et se place dans les tout premiers rangs d’une discographie particulièrement riche et relevée.

THIERRY GUYENNE

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