1 CD Erato 0190295065843
À la fois guerrière, androgyne, farouche et éminemment désirable, l’Amazone a, de tout temps, fait fantasmer l’humanité. Et, que ce soit en littérature, dans les beaux-arts ou en musique, cette idole féminine indomptable, libre et passionnée, n’a jamais cessé d’enflammer l’imaginaire des plus grands créateurs et artistes.
L’époque baroque s’est naturellement penchée sur le fort potentiel de cette figure mythologique, capable d’affects très contrastés, allant de la colère à la furie, de l’amour au désespoir, de l’abattement au triomphe. De nombreux compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles ont ainsi forgé des héroïnes chaque fois un peu plus flamboyantes.
Lea Desandre ne s’est pas trompée, en choisissant de sonder les multiples facettes de cet être singulier, pour son premier vrai récital en soliste chez Erato, enregistré en studio, en septembre 2020 et février 2021. Pour ce faire, la jeune mezzo-soprano franco-italienne s’est adjoint le concours de quelques-uns des plus brillants musiciens de sa génération : le luthiste Thomas Dunford, chef fondateur et directeur artistique de l’ensemble Jupiter ; le claveciniste Jean Rondeau ; le flûtiste Alexis Kossenko ; le violoniste Théotime Langlois de Swarte… Mais aussi des figures tutélaires, comme Cecilia Bartoli, Véronique Gens et William Christie.
Le timbre chaud, vibrant, ductile de Lea Desandre exhale des nuances remarquables et des pulsations irrésistibles. Parmi les nombreuses et superbes incarnations offertes au fil du programme (quinze plages en première mondiale !), il faut entendre avec quelle fraîcheur elle parvient à étirer, encore et encore, les notes hautes dans le célèbre « Onde chiare che sussurrate » (Ercole sul Termodonte de Vivaldi) : un vrai petit miracle !
Dans un tout autre registre, ses duos avec Cecilia Bartoli (Mitilene, regina delle Amazzoni de Giuseppe De Bottis) et Véronique Gens (Les Amazones de Philidor) la montrent tout aussi maîtresse de ses pointes et charismatique que ses éminentes consœurs.
Si la voix s’épanouit avec une aisance rare, précisons que l’expressivité n’est jamais mise à mal, quand Lea Desandre est confrontée au caractère virtuose de l’écriture. Dans ce registre, son « Scendero, volero, -gridero » survolté (Ercole sul Termodonte) est simplement magistral de tempérament.
Outre ces pages fameuses, il est impératif de poser l’oreille sur les nombreuses pépites, dont regorge ce généreux florilège. Car les airs tirés de Lo schiavo di sua moglie de Francesco Provenzale, L’Antiope de Carlo Pallavicino, Marthésie, -première reine des Amazones d’André Cardinal Destouches, ou encore Die getreue Alceste de Georg Caspar Schürmann, sont indiscutablement éloquents et flatteurs.
Agrémenté de pièces instrumentales pour clavecin (Passacaille de Louis Couperin par William Christie, L’Amazône de François Couperin par Jean Rondeau), théorbe (L’Amériquaine de Marin Marais par Thomas Dunford) et orchestre (diverses sinfonie de Cavalli et Vivaldi), cet enregistrement consacre, à la fois, une exquise interprète et une formidable collaboration intergénérationnelle.
CYRIL MAZIN