Jardins, 21 août
L’Académie « Le Jardin des Voix », codirigée par William Christie et Paul Agnew, aura permis, cette année, pour célébrer sa 10e édition, à une équipe de jeunes chanteurs triés sur le volet – six heureux élus, sur deux cent cinquante candidats ! – de travailler pendant trois semaines Partenope, dont la représentation a eu lieu en ouverture du Festival « Dans les Jardins de William Christie ». Dès la fin de l’été, commencera une tournée qui mènera la production en France, en Espagne, en Suisse, en Hongrie et en Roumanie.
Le choix de Partenope (Londres, 1730) est judicieux, car il s’agit d’une œuvre exigeante pour les voix, requérant un très haut niveau de technicité et d’engagement dramatique, mais aussi de l’un des opéras les plus originaux de Haendel, jouant sur un constant équilibre entre drame et comédie. L’intrigue nous montre ainsi la reine Partenope, courtisée par trois prétendants : son amant Arsace, qui a trahi pour ses beaux yeux Rosmira, le timide Armindo et le matamore Emilio.
Rosmira, déguisée en homme, décide de se venger, mais l’affaire, qui pourrait tourner au drame, se termine dans le plus pur style burlesque. Lorsque Rosmira/Eurimene doit affronter en duel le volage Arsace, celui-ci décide de combattre torse nu et demande que son adversaire en fasse autant. Confuse et rougissante, Rosmira avoue alors sa véritable identité à son fiancé. Tous deux se réconcilient. Partenope se console avec Armindo et Emilio repart dans ses terres.
La mise en espace de Sophie Daneman est suffisamment efficace, mobile et intelligente, pour mettre en valeur la tension dramatique de l’ouvrage, sans jamais lasser le public – il est vrai que l’on a eu soin de pratiquer quelques coupures, qui ramènent la soirée à une durée raisonnable. Seuls accessoires : deux énormes dés à jouer, symbolisant les aléas de l’amour et la stratégie complexe animant les personnages, et des gants de boxe, pour souligner le comique du combat des prétendants.
Dès son air d’entrée, la soprano portugaise Ana Vieira Leite s’impose comme une technicienne très sûre, avec un timbre corsé figurant la royale autorité de Partenope. Pour autant, plusieurs passages suggèreront d’autres aspects de la souveraine, dans un poétique équilibre entre passion et légèreté.
En Rosmira, la mezzo britannique Helen Charlston donne vie à un personnage tourmenté jusqu’à la violence, mais aussi très nuancé. Le volume vocal, potentiellement important, et un beau timbre ombré laissent imaginer un caractère complexe et douloureux.
Deux des prétendants sont confiés à des contre-ténors, mais la partition les sert inégalement. Arsace est un rôle lourd, auquel le Britannique Hugh Cutting donne une coloration essentiellement suave et tendre. Sa manière de vocaliser est toujours très vivante, jamais mécanique, ni brutale. En Armindo, moins exposé sur tous les plans, l’Espagnol Alberto Miguélez Rouco ne cède rien à son rival.
Le ténor australien Jacob Lawrence fait du bravache Emilio une étonnante composition héroïco-comique. Ormonte, le capitaine des gardes de Partenope, n’a qu’un seul air pour s’affirmer. Le baryton français Matthieu Walendzik parvient à le faire vivre.
Il suffit de voir William Christie diriger Les Arts Florissants pour saisir à quel point il recherche l’expression théâtrale et le travail sur la couleur sonore, en couvant ses chanteurs d’un regard expressif.
JACQUES BONNAURE
PHOTO © JULIEN GAZEAU