Vitrifrigo Arena, 9 août
En 1997, le « ROF » de Pesaro avait confié sa première production du Moïse français (Paris, Académie Royale de Musique, 26 mars 1827) au regretté Graham Vick, à qui cette édition 2021 est justement dédiée. Sa vision, d’une totale modernité, bousculait les codes de la mise en scène, laissant une trace indélébile dans l’histoire du Festival.
Dans cette nouvelle production, Pier Luigi Pizzi reste fidèle à son style décoratif et architectural des années 1980, mais il ajoute, signe des temps, le recours à des images en 3D d’un symbolisme assez naïf et qui, par instants, semblent transformer l’ouvrage en une sorte d’épopée, plus proche du film d’animation que du « grand opéra ».
Faute d’une véritable direction d’acteurs, la lecture est donnée par le jeu sur les couleurs : Égyptiens en bleu lapis-lazuli, Hébreux tout droit sortis de la Bible illustrée par Gustave Doré, dans un camaïeu de gris et de beige, arc-en-ciel de marbre, éclipse…
Seule la conclusion, après une traversée de la mer Rouge pour le moins maladroite, offre une idée simple et forte, montrant, en ombres chinoises, les retrouvailles des Hébreux avec leur terre promise et Moïse élevant vers le ciel un enfant de blanc vêtu, image de ce Messie dont il est le porteur.
Une fois de plus, on regrette le peu de soin apporté à la prononciation française par une distribution de haut niveau. Un reproche, toutefois, dont on exceptera le Moïse de Roberto Tagliavini et l’Aménophis d’Andrew Owens. Si le premier n’est pas exactement la basse noble attendue, il compense largement un certain manque de profondeur dans le grave par une autorité et une articulation parfaites, dans un rôle où la qualité du récitatif est essentielle.
Quant au ténor américain, malgré un timbre assez ingrat et un certain manque d’ampleur, il se révèle d’une grande probité. À oublier, en revanche, le Pharaon histrionique et aux limites du ridicule d’Erwin Schrott, vociférant dans les ensembles et incapable de discipliner son énorme voix.
Côté féminin, avec son grand soprano lyrique et une projection impressionnante, Eleonora Buratto est une Anaï presque trop mature pour un personnage qu’on imaginerait volontiers plus fragile. Sa puissance est mise en brèche par les aigus spectaculaires de la Sinaïde de Vasilisa Berzhanskaya, à qui son grand air vaut un triomphe mérité.
La direction élégante et très équilibrée de Giacomo Sagripanti, à la tête de l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI, le qualifie, à n’en pas douter, comme l’un des meilleurs chefs rossiniens du moment.
Pour finir, il n’est pas sûr que le cantique d’action de grâces, coupé par Rossini, s’imposait en conclusion. La coda orchestrale apaisée, qui suit la noyade des Égyptiens, termine l’opéra sur une note bien plus originale et en totale adéquation avec le livret.
ALFRED CARON
PHOTO © STUDIO AMATI BACCIARDI