Comptes rendus Rossini façon The Crown à Pesaro
Comptes rendus

Rossini façon The Crown à Pesaro

02/09/2021

Vitrifrigo Arena, 11 août

Des neuf « opere serie » napolitains de Rossini, Elisabetta, regina d’Inghilterra, le tout premier, est aussi le moins abouti : livret médiocre, récitatifs interminables, partition composite, où le musicien recycle le meilleur de ses compositions antérieures, notamment l’Ouverture et plusieurs numéros d’Aureliano in Palmira qui reparaîtront, un an plus tard, dans Il barbiere di Siviglia.

Hélas, ce n’est pas cette nouvelle production, confuse et superficielle, de Davide Livermore qui est susceptible de vivifier ce drame conventionnel, en créant d’authentiques personnages. Le metteur en scène italien se laisse piéger par des références aux séries télévisées à la mode, du type The Crown, voulant recréer l’univers oppressant d’une cour où, sur fond d’intrigues et de complots, s’agitent en permanence soubrettes, majordomes et gardes du corps, et où la violence psychologique, puis physique, est omniprésente derrière la politesse de surface.

Si Elisabetta évoque vaguement l’actuelle souveraine britannique, et si Norfolk a de faux airs de Winston Churchill, Leicester tient plus du général soviétique que du héros de la RAF, dont les avions survolent le palais, au début de l’opéra. Dans un décor de lambris virtuels très sophistiqué, l’envahissante vidéo du collectif D-Wok tente de créer une ambiance propre à chaque tableau mais, plus généralement, elle semble être là pour combler un certain vide théâtral.

Pour ses débuts en Elisabetta, Karine Deshayes paraît souvent forcer son tempérament pour incarner une reine vindicative, mais, malgré un grave un peu limité, elle se tire de ce rôle univoque et tendu avec les honneurs. Le choix d’une voix dramatique pour Matilde, en la personne de Salome Jicia, lui crée évidemment une rivale de poids, comme le laisse entendre leur très beau duo du II (les rôles auraient aussi bien pu être échangés entre les deux interprètes !).

Sergey Romanovsky poursuit sa conquête des emplois de baritenore ; il fait valoir une étendue vocale encore élargie dans le grave et un aplomb remarquable dans la virtuosité, donnant toute leur richesse expressive aux quelques moments lyriques dévolus à Leicester (rôle abordé à Bruxelles, en mars dernier), notamment dans la très belle scène de la prison.

En revanche, la voix usée et beaucoup trop légère de Barry Banks paraît tout à fait inadéquate pour Norfolk, le temps ayant, de surcroît, laminé sa capacité à vocaliser, qui était l’un de ses principaux atouts.

La direction d’Evelino Pido, terriblement mécanique, amorphe dans le récitatif orchestré, contribue à la sensation de lourdeur, voire d’atonie, qui envahit souvent l’auditeur.

La production de 2004, due à Daniele Abbado et dirigée par Renato Palumbo, ne disposait sûrement pas de tels moyens mais, sans être parfaite, elle arrivait à un résultat nettement plus convaincant.

ALFRED CARON

PHOTO © STUDIO AMATI BACCIARDI

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