Basilique Notre-Dame, 16 juillet
Deuxième week-end du Festival International d’Opéra Baroque & Romantique, dédié à Haendel, celui de la troisième manière, surgie après les excès de la « machine opéra » londonienne. L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato est une œuvre de maturité, une ode philosophique selon les topoï du temps, mariant l’optimisme et la mélancolie à la sagesse équilibrée avec, déjà, une touche préromantique dans l’omniprésence de la nature. Haydn guette au coin de ces bois.
Ce week-end est aussi l’occasion d’entendre deux esthétiques interprétatives, la petite forme et le grand ensemble. Pour Les Arts Florissants, réduits à six choristes et onze instrumentistes, la gageure est de remplir la conque de la Basilique Notre-Dame. Qui se souvient, pour le même oratorio, de l’impressionnant dispositif de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin, à l’Opéra National de Paris, en 2007, est surpris d’avoir une version réduite à un peu moins de deux heures, pour des raisons autant sanitaires qu’économiques.
Si l’on y perd en originalité (adieu les pittoresques clochettes !), on y gagne en concision, d’autant que William Christie pratique là un répertoire où il excelle, sachant comme peu faire respirer la partition, en souligner le legato quand nécessaire, et peaufiner les plus infimes détails, grâce à des pupitres premium. Serge Saitta, vétéran de l’ensemble Les Arts Florissants, délivre un moment de grâce dans le stratosphérique « Sweet bird » : sa flûte nimbe l’exquise soprano Rachel Redmond.
Dans cette intimité sonore évoquant les trop rares Chandos Anthems, toutes les pousses du « Jardin des Voix », académie de chant baroque, codirigée par William Christie et Paul Agnew, brillent inégalement. Mais soyons indulgents envers une jeunesse qui sait tisser de fabuleux contrepoints et enchaîner le rire à la plus haute inspiration.
Cour des Hospices, 17 juillet
Sous les grinçantes girouettes des Hospices médiévaux, Leonardo Garcia Alarcon affronte Semele. Après la formation quasi consort de la veille, voici donc la grande forme. Hélas, le Millenium Orchestra ne sert pas au mieux cette sémillante déconstruction de l’orgueil et de l’ambition.
Le noyau des cordes sonne terne et manque de justesse dans ses attaques. Les pupitres solistes, notamment le violoncelle, n’atteignent jamais l’excellence entendue dans L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato. Quant à la direction, à notre goût bien trop idiomatique, elle propose un Haendel empreint d’afféteries. Si un tel choix permet une bonne articulation du texte, il met souvent en péril les chanteurs.
Le Jupiter bien en timbre du ténor Matthew Newlin se trouve ainsi castré de tout legato. Rien de commun, dans ce rôle, avec les fabuleux Mark Padmore ou Ian Bostridge. En revanche, les tempi très adagio servent les interventions de Somnus, où la basse somptueuse d’Andreas Wolf excelle. Le solide métier du contre-ténor Lawrence Zazzo lui permet de sauver un instrument bien fatigué en Athamas.
On applaudit l’Iris au beau métal de la soprano Chiara Skerath, mais aussi la prestation survoltée de la mezzo Dara Savinova, qui joue les deux visages de la jalousie, l’humaine (Ino) et la divine (Juno). La Semele d’Ana Maria Labin, enfin, accomplit des merveilles : la voix, petite mais fruitée, figure avec humour son rôle de rossignol stupide. Quant au Chœur de Namur, il est impeccable, malgré une direction qui choisit constamment la nervosité plutôt que la respiration.
Cette Semele ayant été enregistrée au Festival Musical de Namur, une semaine auparavant, on pèsera mieux, dès sa parution chez Ricercar, son bien-fondé.
VINCENT BOREL
PHOTO © JEAN-CLAUDE COTTIER