Comptes rendus Berlin revisite le Far West
Comptes rendus

Berlin revisite le Far West

23/07/2021

Staatsoper Unter den Linden, 13 juin

Premier spectacle accessible au public du Staatsoper Unter den Linden depuis Quartett, il y a huit mois, cette nouvelle production marque aussi la création, in loco, de La fanciulla del West (New York, 1910).

Antonio Pappano, grand serviteur de Puccini au disque, n’ayant jamais eu l’occasion d’enregistrer l’ouvrage, on attendait, avec impatience, de découvrir ce qu’il allait en faire dans la fosse berlinoise. Un constat : même dans l’orchestration réduite d’Ettore Panizza (distanciation physique oblige), le chef britannique s’impose comme le grand triomphateur de la soirée.

Sa direction assume la dimension cinématographique de la partition, sans la surexposer pour autant. Attentif à laisser s’épanouir les moments les plus lyriques, soucieux de raffinement même, Antonio Pappano nous convainc sans peine que La fanciulla del West est un chef-d’œuvre, digne des titres les plus célèbres du répertoire.

Anja Kampe a déjà chanté Minnie, notamment à Hambourg et Munich, et force est de reconnaître que sa prestation ne manque pas d’atouts : un legato ravageur, une grande aisance, une puissance stupéfiante. Les demi-teintes, en revanche, font parfois défaut.

Timbre toujours séducteur et aigus éclatants, le Dick Johnson/Ramerrez  de Marcelo Alvarez emporte l’adhésion, tandis que Michael Volle est idéal de brutalité en Jack Rance. Chaque interprète réussit, de surcroît, à conférer à son personnage ce qu’il faut de subtilité pour ne pas paraître monolithique.

Américaine, mais rompue aux pratiques du « Regietheater », Lydia Steier signe une mise en scène globalement fidèle au livret, hormis quelques libertés à la marge. Ainsi, l’action est transposée dans la seconde moitié du XXe siècle, dans un Far West de cinéma : immense statue de bison, enseigne en forme de pin-up géante, horizons profonds et ciels rougeoyants (l’influence de David Lynch est revendiquée), mais aussi cadavre d’un pendu qu’observe un enfant silencieux.

La lecture du programme de salle nous apprend qu’il s’agit du fils de Wowkle, la « squaw » de Billy Jackrabbit. Pour se distancier de la dimension qu’elle juge raciste du livret, Lydia Steier a l’idée un peu saugrenue de faire du couple des héroïnomanes (la série télévisée Breaking Bad est une autre influence revendiquée), seule façon, selon elle, d’expliquer pourquoi ils s’expriment, conformément aux didascalies, dans « un gémissement sourd, mi-nasal mi-guttural, très proche d’un grognement ».

On suppose que c’est dans le même souci de satisfaire à certains canons actuels que Lydia Steier transforme Nick, le barman du saloon, en drag-queen, ou qu’un homme nu, ensanglanté, apparaît au dernier acte. On aurait tort, pourtant, d’y voir une lecture politique affirmée. Mariachis portant des lampes fluorescentes clignotantes, Jake Wallace descendant des cintres, comme dans une revue de Las Vegas, couleurs et décorations façon Gilbert & George, cascadeurs… La metteuse en scène cherche d’évidence le grand spectacle, plutôt que la provocation.

Reconnaissons que l’efficacité dramatique est au rendez-vous, notamment dans cette manière de réduire l’espace, au deuxième acte, en faisant de la cabane de Minnie une sorte de grotte, creusée en hauteur dans un mur vertical, placé à l’avant du plateau. L’un dans l’autre, l’ensemble ne manque pas de cohérence, et on passe une bonne soirée.

NICOLAS BLANMONT

PHOTO © MARTIN SIGMUND

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