Théâtre Royal/www.operaliege.be, 15 avril
Le nom de Saioa Hernandez n’est guère familier aux spectateurs français, sauf à ceux qui ont assisté à sa Francesca da Rimini de l’Opéra National du Rhin, en décembre 2017. La soprano espagnole parcourt pourtant les scènes du monde entier, depuis une bonne dizaine d’années, dans un répertoire qui voit se côtoyer les grands rôles véristes et verdiens, voire même quelques belcantistes.
Saioa Hernandez s’est particulièrement illustrée en Odabella dans Attila, en ouverture de saison de la Scala de Milan, en décembre 2018. Et elle aurait dû assurer, en ce mois d’avril 2021, Giselda dans I Lombardi, à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, sous la direction de Daniel Oren. Le présent concert, filmé sans public, le 15, et disponible en streaming sur le site de la maison, est donc une sorte de compensation pour un rendez-vous manqué.
D’où, sans doute, le choix de l’air d’entrée de Lady Macbeth, comme premier morceau, qui, en termes de vocalité, rejoint celui du rôle initialement prévu. À cette voix large, au grave généreux, au médium solide, ne fait pas défaut l’autorité, comme le laissent entendre la lecture de la lettre (« Nel di della vittoria ») et le récitatif (« Ambizioso spirto ») . Mais les écarts de registre de la cavatine (« Vieni t’affretta ! »)soulignent une instabilité dans le suraigu qui, sans être rédhibitoire, devient un peu scabreuse dans la cabalette (« Or tutti sorgete »), où la vocalise reste approximative.
« Vissi d’arte » (Tosca) est pris sur un tempo excessivement lent qui, dans l’acoustique assez sèche d’une salle vide, ne favorise pas la justesse de l’intonation. Mais la soprano retrouve toute sa superbe dans La Gioconda : l’écriture de « Suicidio ! » valorise la puissance de sa voix très centrale, lui valant les applaudissements spontanés de l’orchestre.
Avec Madama Butterfly, la tragédienne est au mieux d’elle-même, bien servie par la direction de Daniel Oren qui, en grand chef de théâtre, lui offre le magnifique écrin de la scène finale dans son intégralité (« Tu, piccolo iddio ! »), où ne manque que l’appel de Pinkerton pour atteindre au paroxysme du pathétique. Si « Morro, ma prima in grazia » (Un ballo in maschera) peut paraître un peu générique, en termes d’expressivité, il est chanté avec beaucoup de probité.
Mais c’est véritablement avec Maddalena (Andrea Chénier) que Saioa Hernandez semble trouver un rôle à la mesure de sa personnalité, communiquant à « La mamma morta » des subtilités expressives qui manquaient à la plupart des airs précédents.
À ce concert, capté dans les conditions du direct, l’excellent Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège apporte les respirations nécessaires au repos de la chanteuse, dont l’on retient une magistrale Ouverture de La forza del destino, sous la baguette dynamique de Daniel Oren.
ALFRED CARON
PHOTO © OPÉRA ROYAL DE WALLONIE-LIÈGE