Opéra/Opera.marseille.fr, 31 décembre
Malgré l’épidémie, l’Opéra de Marseille n’a jamais baissé les bras. Pendant le premier confinement, sa page Facebook nous a régalés de mini-concerts et de récitals organisés avec la troupe, ainsi que d’hilarants cours de chant, distillés par le chef de chœur Emmanuel Trenque. Dès la rentrée, la maison proposait La Dame de pique, en version de concert et accompagnement de piano, en lieu et place du projet scénique avec orchestre, initialement annoncé.
Hélas, le second confinement a eu raison de La Bohème, prévue pour le mois de décembre. Mais Maurice Xiberras, le directeur général, n’est pas homme à renoncer. Nous avons donc pu visionner, le soir de la Saint-Sylvestre, la captation effectuée, dans les conditions du direct et sans public, sur le plateau de l’Opéra (elle reste disponible sur le site internet de la maison jusqu’au 30 janvier).
C’est déjà énorme, en cette période troublée, de pouvoir assister, même par écran interposé, à un spectacle vivant, et on voudrait vraiment, vraiment, en faire un compte rendu plus enthousiaste. Mais la distance, l’audition par des écouteurs de plus ou moins bonne qualité, l’absence de public qui ne galvanise pas les musiciens, sont plus ou moins rédhibitoires.
Le projet était initialement confié à Leo Nucci, mais la distanciation physique imposée aux artistes nécessitait d’adapter sa mise en scène. Il a donc préféré renoncer, remplacé par Louis Désiré. Le fait est que si les consignes sanitaires sont respectées, le dispositif n’est pas destiné à être filmé, et tout ce que l’on voit sur son ordinateur, c’est du noir sur fond noir, avec au centre un lit blanc, omniprésent. Le parti pris gomme tous les instants de fête, de gaieté et d’insouciance entre les jeunes gens, et même Parpignol devient un personnage inquiétant !
Le Chœur de l’Opéra de Marseille chante masqué, et ça ne doit spas être facile. C’est une prise de rôle pour Angélique Boudeville, mais aussi pour Enea Scala. Elle, assure en Mimi, mais ne touche pas vraiment. Lui, assume son timbre généreux, et ses aigus vaillants laissent à penser que les quelques problèmes de plafonnement qu’on lui a parfois reprochés sont désormais résolus. On aurait cependant préféré un peu plus d’âme chez son Rodolfo, de fêlure intime dans ce déferlement radieux d’une si belle voix.
La capiteuse Lucrezia Drei tire son épingle du jeu en Musetta joliment présente, et bien chantante. Les seconds rôles masculins sont plus effacés, mais comment pourrait-il en être autrement, plombés qu’ils sont à la fois par la conception scénique et l’absence d’applaudissements après les airs ? Ils sont pourtant vocalement irréprochables, le Marcello parfaitement en situation d’Alexandre Duhamel, le Schaunard convaincant de Régis Mengus et le Colline royal, de ligne comme d’émotion, d’Alessandro Spina.
À la baguette, Paolo Arrivabeni est tout à fait dans son élément.
CATHERINE SCHOLLER
PHOTO © CHRISTIAN DRESSE