Rien de nouveau sous la grisaille. Le 21 décembre, jour où j’écris cet éditorial, la situation dans l’univers de l’opéra semble figée, en France comme partout ailleurs. L’heure est au reconfinement, au couvre-feu, à la menace d’une troisième vague de Covid-19, laissant le monde de la culture dans la détresse.
Par rapport à mon dernier éditorial, daté d’il y a exactement un mois, l’espoir d’une réouverture des salles françaises au public, le 15 décembre, s’est effondré : elles resteront fermées jusqu’au mois de janvier. Le gouvernement a donné rendez-vous à leurs directeurs, le jeudi 7, pour réévaluer la situation, en fonction de l’évolution de la crise sanitaire. Ce qui ne veut pas dire qu’elles rouvriront leurs portes à cette date, comme certains l’ont cru !
Plusieurs institutions représentatives de la profession, parmi lesquelles le syndicat Les Forces Musicales, se sont rebellées et ont saisi la justice administrative, selon la procédure d’urgence du référé-liberté, pour obtenir leur réouverture immédiate. Le Conseil d’État a entamé l’examen de leurs demandes et rendra sa décision avant le 23 décembre.
En attendant un hypothétique semblant de retour à la normale, chacun tente de s’organiser. La lecture de la rubrique « comptes rendus » du numéro que vous tenez entre les mains, offre une illustration fidèle des différentes solutions retenues par les théâtres, de la fermeture pure et simple aux représentations filmées à huis clos, retransmises à la télévision ou sur différentes plateformes numériques, en direct et/ou en différé, regardables gratuitement et/ou en acquittant un droit d’accès.
Certains accueillent même du public. Pas en France, bien sûr, mais à Monte-Carlo ou à Madrid, selon des procédures qui pourraient donner des idées à nos gouvernants… Il y a, en effet, quelque chose d’absurde dans cette fermeture générale, ne tenant aucun compte des spécificités des salles et, plus généralement, des institutions culturelles.
Pour le semestre qui commence, on imagine le dilemme des directeurs. Faut-il maintenir la programmation en l’état, quels que soient la taille des productions et les moyens qu’elles requièrent, quitte à en réduire ensuite le format, voire à les annuler, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire ? Ou, comme à Bruxelles, ne vaut-il pas mieux prendre les devants et revoir complètement l’offre ?
Le texte envoyé aux journalistes par Peter de Caluwe, directeur général et artistique de la Monnaie, le 16 décembre, mérite d’être reproduit. « Aller de l’avant. C’est quelque chose que nous avons toujours fait. Ces dernières semaines, c’est même la seule chose que nous ayons pu faire, vu le silence imposé à notre scène. À la fin du mois d’octobre, lorsque nous avons dû mettre fin à notre série de représentations de l’opéra Die tote Stadt, il était clair que, dans le contexte actuel, nous ne pourrions pas maintenir une grande partie de la programmation de la saison telle qu’elle était prévue. Mais ce n’était pas une raison pour rester les bras croisés. Puisque le besoin de créer représente l’essence même d’une institution culturelle, nous avons fait le maximum pour pouvoir renouer avec la création le plus rapidement possible. Afin d’offrir à nouveau à notre public des perspectives sur une programmation diversifiée et de haute qualité, à découvrir en toute sécurité. Nous avons essayé autant que possible de maintenir les représentations prévues. Car ce sont des projets que nous avons inscrits au programme de notre saison principalement pour leur qualité artistique exceptionnelle et que nous souhaitons toujours les présenter à notre public. Nous avons également pensé qu’il était très important, en cette année incertaine, de respecter autant que possible les accords conclus avec les artistes – après tout, de tous les travailleurs culturels, ce sont eux qui ont été le plus durement touchés par cette crise. C’est ainsi que nous sommes parvenus à maintenir tous les récitals et à poursuivre la collaboration avec les différentes équipes de production et les chanteurs. Même si nous avons dû décaler – et raboter – certains projets. »
Exit, donc, le projet donizettien intitulé « Bastarda », prévu en mars-avril, la nouvelle production d’Henry VIII de Saint-Saëns, annoncée pour avril-mai, et la reprise de Parsifal, en juin-juillet. The Turn of the Screw est repoussé de janvier à avril, et Tosca fait son apparition, du 11 juin au 2 juillet, dans une nouvelle mise en scène de Rafael R. Villalobos, décidée en quelques semaines et coproduite avec trois autres maisons !
Il reste à espérer que cette année 2021 qui commence soit celle de la renaissance pour l’univers de la culture et du spectacle vivant. Quant à vous, chers lecteurs, je vous adresse tous mes vœux de bonheur et de santé.
RICHARD MARTET