Ce 52e « Instant Lyrique » revêtait une importance symbolique double, s’agissant du premier concert de cette série depuis la crise sanitaire, mais aussi de la première prestation de Nicolas Courjal depuis six mois.
Très en voix, le chanteur a fait résonner la rotonde d’Éléphant Paname avec la joie manifeste de retrouver le public – fatalement un peu plus espacé que de coutume, vu la jauge réduite –, pour un programme entièrement consacré à la mélodie.
On a grand plaisir à réentendre ce beau grain brillant et profond, ce creux dans le grave et cet éclat dans l’aigu qui, au service d’une interprétation sincère et directe, font merveille à la scène. Reste que dans le périlleux exercice du récital, où le chanteur est vraiment à nu, il manque encore à la basse française quelque chose pour passer à un niveau supérieur de partage.
Regrettons, d’abord, la présence constante d’un pupitre : même si l’on ne jette qu’un regard en coin sur la partition, celle-ci fait fatalement écran avec le public. Ensuite, le programme lui-même, quoique diversifié sur le papier et se divisant en trois sections, allemande, française et italienne, n’offre pas toute la variété escomptée.
Déjà, la partie Brahms est un peu monotone, par un choix de pièces uniquement lentes et introspectives. Il faudrait un ou deux lieder plus enlevés, dont le contraste, de surcroît, serait bienvenu avec le magnifique – mais très austère – cycle de Ropartz qui suit : les trop rares Quatre Poèmes d’après l’Intermezzo de Heine, plat de résistance de la soirée.
Une impression de manque de contrastes qui tient aussi à l’interprétation de Nicolas Courjal, certes glorieuse vocalement, mais n’offrant guère de moyen terme entre un pianissimo caressant et un fortissimo tonnant, plutôt hors de propos, vu l’exiguïté du lieu.
Enfin, reste à montrer une attention plus soutenue au mot, souvent énoncé avec clarté – quoique pas toujours avec exactitude en allemand –, mais sans vraiment prendre en compte toute sa composante évocatrice. Sans parler de surprenantes négligences en français, comme l’absence de liaison sur « Dis-moi pourquoi tu m’as-abandonné » (Ropartz).
Notons la présence de la clarinette virtuose et fruitée de François Lemoine, qui s’invite dans l’opus 91 de Brahms – deux mélodies originellement pour alto et voix d’alto, qu’un chant tonitruant fait bien peu sonner comme des berceuses –, mais aussi dans une transcription d’Après un rêve de Fauré.
Sans surprise, les deux rappels d’opéra – « Il lacerato spirito » de Simon Boccanegra et « Son lo spirito che nega » de Mefistofele – montrent Nicolas Courjal à son meilleur, avec une évidence autant vocale que physique.
Directeur musical et pianiste de « L’Instant Lyrique » depuis sept ans, Antoine Palloc est un partenaire aussi attentif qu’inspirant, en particulier dans des Ropartz impressionnants de puissance et d’intensité.
Malgré quelques réserves, un beau moment de partage, qui fait du bien après ces longs mois de silence.
THIERRY GUYENNE
PHOTO © INSTANT LYRIQUE