Parco Ducale, 11 septembre
Programmation évidemment réduite pour le 20e « Festival Verdi » que le Teatro Regio de Parme organise chaque année (seulement deux opéras, Macbeth et Ernani, donnés en version de concert), mais d’un intérêt certain. Les représentations ont lieu en plein air, sur un immense plateau dressé au cœur du Parco Ducale, devant le Palazzo del Giardino, qui permet à l’orchestre et au chœur, ce dernier installé à l’arrière, de respecter les règles de distanciation physique. Avantage supplémentaire : la possibilité d’accueillir deux mille spectateurs chaque soir.
Davantage que sur Ernani, programmé les 25 et 27 septembre, l’attention s’est focalisée sur le rarissime Macbeth français, deuxième incursion du chef italien Roberto Abbado dans l’univers des versions parisiennes des opéras du compositeur, après Le Trouvère, déjà à Parme, en 2018. Un Macbeth créé au Théâtre-Lyrique, le 19 ou 21 (selon les sources) avril 1865, en l’absence d’un Verdi davantage intéressé, dès le départ, par les transformations à apporter à la partition de l’édition originale (Florence, 14 mars 1847) que par la traduction/adaptation du livret de Piave et Maffei par Nuitter et Beaumont.
La versification, c’est un fait, n’est pas irréprochable et, plus d’une fois, s’accorde mal avec les exigences du chant. Pourtant, la force musicale et théâtrale du chef-d’œuvre inspiré de Shakespeare demeure, le rythme, les accents, les couleurs de la langue française modifiant la physionomie de la tragédie. Un Macbeth sans doute moins âpre, moins impitoyable, moins au vitriol mais, en contrepartie, plus insinuant et inquiétant.
Dirigeant la révision préparée par Candida Mantica, à partir de l’édition critique de David Lawton (Ricordi), Roberto Abbado est le premier responsable de la réussite de cette résurrection. Sans sa baguette fluide, souple, minutieuse, volubile, sensible aux variations de coloris et de timbres induites par la langue, jamais l’originalité et la « différence » de cette mouture française ne seraient ressorties avec autant d’évidence.
Ceci posé, le choix de la version de concert – Macbeth, opéra presque entièrement raconté de l’intérieur par ses personnages, tolère mieux que d’autres l’absence de décors et de mise en scène – a incontestablement permis au maestro de mieux de se concentrer sur les détails. Tout comme le soutien attentif d’un orchestre (Filarmonica Arturo Toscanini) partageant ses moindres choix d’interprétation et d’un chœur féminin dépourvu de toute stridence dans les interventions si importantes des Sorcières.
La distribution est dominée par un Ludovic Tézier en état de grâce. Avec un protagoniste de cette envergure, le Macbeth de 1865, si peu apprécié à l’époque (il disparut aussitôt des affiches, avant d’être traduit en italien), impose une vérité dramatico-musicale n’ayant rien d’hypothétique. La maîtrise du baryton français, dont l’interprétation fusionne jusqu’à l’incandescence chant et « lecture » du texte, est sidérante, y compris pour l’auditeur ne connaissant pas aussi bien que lui les subtilités – et les pièges ! – de la langue.
Appelée à remplacer, à la dernière minute, Davinia Rodriguez, souffrante, Silvia Dalla Benetta étonne par sa capacité à saisir d’emblée tout ce qui différencie cette version française de celle couramment jouée. La soprano italienne s’impose par sa personnalité, son intelligence dans la manière d’aborder certains écueils, les nombreux tête-à-tête de Lady Macbeth avec son époux fonctionnant efficacement.
L’opéra est conçu de telle manière que les personnages évoluant autour du couple maudit sont relégués à l’arrière-plan. Aucun, pourtant, ne démérite, et des artistes du calibre de Riccardo Zanellato, Giorgio Berrugi et David Astorga sont bien ceux que l’on attend pour une résurrection aussi importante.
Seul regret : le public n’a pas rempli les deux mille sièges mis en vente. Alors que toutes les scènes lyriques italiennes se sont remises en route, au prix d’énormes efforts, les spectateurs hésitent encore à revenir. Pourtant, s’il y a des lieux publics « sûrs » en ces temps de Covid-19, ce sont bien les théâtres d’opéra !
ANGELO FOLETTO
PHOTO © ROBERTO RICCI