Piazza Duomo, 20 août
C’est une magistrale leçon de mise en scène que Pier Luigi Pizzi (90 ans, depuis le 15 juin dernier) a offerte au public de la 63e édition du « Festival dei Due Mondi ». Sans ces décors monumentaux et sublimes costumes qui ont souvent constitué sa signature, mais en tirant le maximum du peu d’éléments mis à sa disposition dans un opéra, il est vrai, propice à une lecture symbolique.
S’éloignant de ses précédentes productions de L’Orfeo, Pizzi se contente, pour tout décor, de la Piazza Duomo de Spolète, avec la merveilleuse façade de la Cattedrale di Santa Maria Assunta et son porche Renaissance, surmonté de rosaces, niches et austères mosaïques romanes. Devant ce fond de scène « naturel », il érige un plateau complètement nu, où il installe l’orchestre (Accademia Bizantina), puis situe certains moments de l’intrigue.
Sur le côté, une passerelle en bois se projette jusqu’à la moitié de la Piazza, reliant l’espace central au Teatro Caio Melisso adjacent. Elle servira pour les entrées des personnages allégoriques (Musica, Messaggiera, Speranza), pour les processions des Bergers portant des rameaux de laurier, pour le cortège funèbre des Esprits et, de manière moins essentielle, pour les chorégraphies oubliables de Gino Potente.
Dès lors, tout repose sur le dosage chromatiques des costumes, blancs ou noirs, à l’exception de Musica, pop-star en vert pastel, se prêtant à l’exercice des selfies avec ses fans. De simples volutes de fumée évoquent les Enfers, sans que Pier Luigi Pizzi renonce pour autant à de saisissants effets visuels. Ainsi, au début, de l’entrée des Nymphes et des Bergers à bicyclette, circulant entre les rangées de spectateurs strictement éloignés les uns des autres.
Bref, le metteur en scène-décorateur-costumier italien réussit, l’espace d’un instant, à rendre à la Piazza son antique rôle d’agora, lieu de rencontre et de spectacle, trait d’union entre le théâtre et l’église, en rapport étroit avec les instrumentistes (exposés à la vue du public) et dans le strict respect du tissu musical montéverdien.
Réglée pour ne pas perturber l’écoute, l’amplification renforce juste ce qu’il faut la sonorité de l’ensemble orchestral et respecte le timbre naturel des chanteurs. Du plateau vocal, se détachent Giovanni Sala, Orfeo de plus en plus présent au fil de la progression du drame, l’excellente Euridice d’Eleonora Pace, la noble Proserpina de Delphine Galou, le charismatique Caronte de Mirco Palazzi et le solide Plutone de Paolo Gatti.
La Messaggiera d’Alice Grasso annonce la mort d’Euridice avec des accents émouvants, divinement soutenue par un Ottavio Dantone en état de grâce, assis au clavecin, au centre de la scène. Mais il faudrait citer tous les membres de cette distribution, qui a accepté de se plier à un véritable travail sur la manière de chanter cette musique.
Accueil enthousiaste de la part du public, pourtant privé de programme de salle, de surtitres et d’entracte ! Faut-il y voir la conséquence de la coupure de l’acte V – et donc, de la disparition des divinités Eco et Apollo –, toujours problématique dans la mesure où livret et partition prévoient une fin différente ? Cette licence, en elle-même discutable, a un mérite : celui de nous proposer un dénouement plus « actuel », centré sur la douloureuse prise de conscience d’un demi-dieu réduit (ou élevé, selon le point de vue d’où l’on se place) à la dimension d’être humain, et acceptant pleinement son destin.
GIOVANNI D’ALO
PHOTO © CRISTIANO MINICHIELLO/AGF