Piazza del Popolo, 16 août
Pour faire face à la crise sanitaire, le « Rossini Opera Festival » a dû revoir à la baisse l’affiche de sa 41e édition. Sur les trois nouvelles productions prévues n’est demeurée que celle de La cambiale di matrimonio, à laquelle se sont ajoutées deux représentations d’Il viaggio a Reims – mis en scène par Emilio Sagi, en 2001, à l’intention de l’Accademia Rossiniana « Alberto Zedda » –, assurées par une brillante distribution d’anciens élèves, issus des trois dernières promotions. Une façon judicieuse d’offrir un spectacle de qualité, dans des conditions simplifiées.
Le récital de Juan Diego Florez, intitulé « Raretés rossiniennes », faisait partie du programme initial du Festival. L’enfant chéri de Pesaro, qui l’a adoubé il y a maintenant près de vingt-cinq ans, démontre ici que, malgré l’évolution d’une voix qui s’est élargie avec son répertoire, non seulement il n’a rien perdu de sa maîtrise de la coloratura, mais que la maturité y a ajouté un sens unique de la sfumatura, un legato qui touche au sublime et une subtile inventivité dans les variations. Autant d’atouts qui font de Florez, désormais, le ténor rossinien « assoluto », capable d’aborder la totalité des rôles de cette tessiture.
Il nous le montre, d’entrée de jeu, avec un air typique du répertoire di grazia, issu de La pietra del paragone. Plus connue, la cavatine alternative de L’Italiana in Algeri, « Concedi, amor pietoso », surprend moins. Celle de Giacomo/Uberto dans La donna del lago, en revanche, associe à l’air original une cabalette directement tirée d’Ermione, aux aigus stratosphériques.
Ici se fait entendre ce qui est l’unique limite du ténor péruvien, une tendance à pousser les suraigus, renforcée, sans doute, par la sonorisation. Une impression confortée par les gros plans de la vidéo, destinés à donner plus de présence à ce concert en plein air, qui accentuent chaque contracture et chaque effort.
L’air alternatif d’Il Turco in Italia n’est pas, non plus, tout à fait inédit, mais « Alla gloria d’un genio eletto », extrait de Li pretendenti delusi de Giuseppe Mosca, permet au ténor de passer de la tendresse à la bravoure dans un étonnant continuum. On regrette que l’absence de programme de salle nous prive d’un peu plus d’informations sur l’origine de ces raretés et leurs premiers interprètes.
Le versant orchestral du concert n’est pas moins original : trois sinfonie de jeunesse, pleines de richesses instrumentales, l’Ouverture de Robert Bruce, un étonnant pastiche associant Zelmira, Armida et La donna del lago, et un extrait du ballet de Guillaume Tell. Il permet, en outre, d’entendre l’orchestre local (Filarmonica G. Rossini) dans une forme superlative, sous la direction raffinée de Michele Spotti.
Peut-être ce programme, réduit à une heure, montre en main, aurait-il pu paraître frustrant, mais Juan Diego Florez offre, en bis, un véritable cadeau à son public : un copieux choix de chansons espagnoles et sud-américaines, dont la célèbre Paloma, où il s’accompagne lui-même à la guitare. Il mêle alors, avec une totale évidence, les ressources de sa technique de ténor belcantiste accompli, avec ce sentiment profond d’une langue et d’un idiome musical qui sont siens.
ALFRED CARON
PHOTO © STUDIO AMATI BACCIARDI