Grosses Festspielhaus, 17 août
Colonne vertébrale du Festival depuis ses débuts, le Wiener Philharmoniker a maintenu quatre de ses cinq concerts initialement prévus (culminant avec une fabuleuse Symphonie n° 6 de Mahler, avec Andris Nelsons, et une non moins exceptionnelle Symphonie n° 4 de Bruckner, avec Christian Thielemann) – dont celui, non moins rituel, confié à Riccardo Muti, donné trois fois.
Anniversaire Beethoven oblige, le choix s’est porté sur la Symphonie n° 9 : finement ciselée, admirablement mise en place, divinement exécutée par la transcendante formation, dont les cordes, en particulier, font merveille. Sans trace d’inquiétude, ni souffle d’exaltation non plus, dans une sérénité quasi apollinienne, jusqu’à l’irrésistible et magnifique embrasement de la péroraison finale.
D’entrée, Riccardo Muti refuse les attaques trop mordantes, comme les bouffées de révolte, arrondissant au contraire les angles, minutieusement polis dans l’Allegro ma non troppo initial, sans excès de joie bondissante dans le Molto vivace, montrant davantage de tendresse que de ferveur dans l’Adagio molto e cantabile, et versant la plénitude plus que l’ivresse dans le Finale.
Les contrastes sont pourtant là, mais l’expression, toujours retenue, nous laisse, il faut bien l’avouer, sur une relative frustration : nous restons loin du Requiem de Verdi, autre monument parallèle, mais relevant d’un univers différent, donné plusieurs fois par Riccardo Muti en ces lieux, et toujours superlativement. Dirigé par Ernst Raffelsberger, le splendide Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, en rangs très serrés, mais évitant soigneusement tout mouvement latéral à risque, officie dans un ordre irréprochable.
L’émotion vient du quatuor vocal, à commencer par l’impressionnante attaque de Gerald Finley pour « Freude, schöner Götterfunken », qui fait passer d’un coup le grand frisson, grâce à la beauté du timbre, la justesse de l’expression, l’intensité de l’engagement.
Sans trace de fatigue de sa Chrysothemis de la veille, Asmik Grigorian domine ensuite, ne serait-ce qu’avec la libération d’un volume supérieur, par l’aigu à la fois rond et percutant ; mais plus égal et serein, le mezzo de Marianne Crebassa s’accorde splendidement avec elle. Seul Saimir Pirgu (remplaçant Daniel Johansson, souffrant) affiche des moyens moins exceptionnels, quoique sans démériter.
FRANÇOIS LEHEL
PHOTO © SALZBURGER FESTSPIELE/MARCO BORRELLI