Opéra, 5 novembre
À l’occasion de cette quatrième présentation de la production de James Gray, créée au Théâtre des Champs-Élysées, en novembre 2019, nous partageons l’enthousiasme de Michel Parouty (voir O. M. n° 157 p. 51 de janvier 2020) : pour son décor à l’ancienne, discrètement distancié par le pimpant rideau de scène évoquant la commedia dell’arte ; pour la grande beauté des costumes de Christian Lacroix ; pour cette direction d’acteurs affûtée, dans l’excellente reprise de Gilles Rico.
Un plateau nouveau (à une exception près) ajoute à notre bonheur. D’entrée, avec la prise de rôle d’Arianna Vendittelli en Susanna. La soprano italienne réussit l’alliance difficile de la plus féminine séduction, et d’une assurance conquérante, de l’audace sans agressivité, et des moments d’attendrissement, le tout avec la beauté du timbre parfaitement homogène, l’appui sur un riche médium, les phrasés les plus nuancés, jusqu’à des élans de puissance qui déborderaient presque le cadre de « Deh vieni, non tardar ».
Éblouissante réussite, encore, pour le Cherubino de Lea Desandre, dont la mince et vive silhouette, au travesti parfait, est idéalement en situation. Non moins convaincant, le Comte de Phillip Addis, familier du rôle, auquel il apporte une jeunesse d’apparence bienvenue, nonobstant l’assurance pleine de morgue de l’aristocrate brutal, portée par l’avancée du menton.
Seul reconduit de la création, le Figaro de Robert Gleadow est sans surprise dans son explosive vitalité, avec maintenant une légère tendance à surjouer, et sa vocalité presque tonitruante, qui sied sans doute un peu moins au lyrisme de « Aprite un po’ quegli occhi ».
L’unique bémol vient, pour sa prise de rôle, de la Comtesse de Valentina Nafornita, pourtant d’une fascinante beauté, et avec le timbre chaleureusement sensuel adéquat, mais dont les aigus restent fragiles et la ligne pas toujours parfaitement assurée.
Chez les comprimari, saluons le Basilio d’un relief inusuel de Pablo Garcia Lopez, excellent acteur et brillant ténor, dont la pointe d’acidité convient bien au personnage. Une Marcellina sans caricature, un Bartolo à la puissante basse profonde, un Don Curzio sans reproche, une Barbarina toute jeune, un Antonio savoureux complètent au mieux.
Frank Beermann mène, avec des tempi toujours justes, un Orchestre de Chambre de Lausanne pétillant. Une salle comble (avec contrôle sanitaire, mais sans jauge, ni masques) réserve un accueil triomphal à toute l’équipe.
FRANÇOIS LEHEL
PHOTO © JEAN-GUY PYTHON