Salle Garnier, 24 janvier
Ayant longuement décrit cette coproduction entre le Royal Opera House de Mascate et l’Opéra de Monte-Carlo, lors de sa création au sultanat d’Oman, en octobre dernier (voir O. M. n° 155 p. 45 de novembre 2019), nous n’y reviendrons pas dans le détail, sinon pour souligner à nouveau la beauté du dispositif et la finesse de la direction d’acteurs de Jean-Louis Grinda, encore plus perceptible dans le cadre intime de la Salle Garnier.
Irina Lungu, par exemple, bouleverse encore davantage en Mimi, avec un jeu d’une crédibilité poignante et une voix dont le charme n’est quasiment pas terni, cette fois, par un trop large vibrato dans l’aigu. Quant à Mariam Battistelli, déjà épatante en Musetta, à l’automne, elle renouvelle une performance digne d’entrer dans les annales pour sa formidable aisance et son éclat.
À l’exception de Parpignol, tous les interprètes masculins sont nouveaux – pour le meilleur, sauf dans le cas de Rodolfo. Depuis ses débuts, en 2011, Andeka Gorrotxategi conduit une jolie carrière qui, sans le propulser vers les sommets, ne l’a jamais trouvé à court d’engagements. Les moyens sont considérables, le timbre ne manque pas de séduction, mais le ténor espagnol souffre d’un énorme problème technique, qui lui retire facilité et lumière dans le haut médium et l’aigu.
Incapable de libérer son émission à partir du fa, plus la tessiture s’élève, plus Andeka Gorrotxategi pousse et force, attaquant souvent les notes par en dessous, notamment le célèbre contre-ut de « Che gelida manina ! », atteint de manière scabreuse et privé de tout impact. Dommage, car le quatuor des bohèmes, dans l’absolu l’un des meilleurs entendus depuis nombre d’années, s’en trouve déséquilibré.
Nicolas Courjal est évidemment un luxe en Colline, mais qui s’en plaindrait devant un chant aussi parfaitement conduit, qui fait du philosophe un authentique premier plan ? Boris Pinkhasovich déborde de santé et de présence en Schaunard, Davide Luciano se confirmant, en Marcello, l’un des meilleurs barytons de la jeune génération italienne.
La voix est belle, saine, impeccablement contrôlée, et le comédien n’est pas en reste. On a hâte de le voir en Don Giovanni, à Salzbourg, l’été prochain !
Fabrice Alibert et Guy Bonfiglio n’appellent aucun reproche en Benoît et Alcindoro (confiés au même interprète à Mascate), à l’instar des chœurs maison, préparés par Stefano Visconti.
Succédant à Giuseppe Finzi à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Daniele Callegari est toujours le chef d’excellent métier que nous avons appris à connaître, attentif aux exigences du chant et soucieux de mettre en valeur le lyrisme puccinien. Aucune fulgurance, mais un travail solide et rigoureux, ce qui est déjà beaucoup.
RICHARD MARTET
PHOTO © OMC/ALAIN HANEL