Lyric Opera, 1er décembre
L’idée de ce programme a germé à Chicago, en janvier 2017, pendant une série de représentations de Norma, dirigées par Riccardo Frizza, avec Sondra Radvanovsky dans le rôle-titre. La soprano américano-canadienne, à l’époque, avait déjà relevé le défi d’incarner les « trois reines Tudor » de Donizetti, au cours d’une même saison, au Metropolitan Opera, dans le sillage de Beverly Sills, dans les années 1970, au New York City Opera.
Quand, en septembre 2018, Sondra Radvanovsky a mis à ses pieds le public de San Francisco, en Elisabetta dans Roberto Devereux, Anthony Freud, directeur général du Lyric Opera, s’est définitivement convaincu qu’un spectacle réunissant les scènes finales d’Anna Bolena (Milan, 1830), de Maria Stuarda (Naples, 1834/Milan, 1835) et de Roberto Devereux (Naples, 1837) trouverait tout naturellement sa place au sein de sa saison 2019-2020.
Le résultat ? Une représentation de moins de deux heures, avec un entracte, enchaînant les trois opéras – Ouverture, puis scène finale –dans l’ordre chronologique de leur création, lui-même identique à celui des événements historiques les ayant inspirés : exécution d’Anne Boleyn (1536), de Marie Stuart (1587) et de Robert Devereux (1601).
Chargé de la mise en espace, Matthew Ozawa veille à ce que l’attention demeure en permanence fixée sur Sondra Radvanovsky. Une passerelle enjambe le centre du plateau, avec des projections en arrière-plan, évoquant les lieux de chaque intrigue. Un escalier menant à l’échafaud s’y ajoute pour Maria Stuarda, puis une table de travail pour Roberto Devereux.
Tous les autres personnages étant vêtus de noir, le regard est immédiatement attiré par les trois costumes de la prima donna, complétés par les joyaux nés de l’imagination d’Ann Ziff. Pour chaque robe, le styliste Rubin Singer, qui a déjà travaillé pour Renée Fleming, Anna Netrebko ou Beyoncé, a cherché à coller à la psychologie du personnage, avec autant de pertinence que de fantaisie.
Dans la tenue d’Anna Bolena, le noir s’oppose ainsi à l’écarlate, symboles de son exécution imminente, avec une longue traîne dont la souveraine s’enveloppe la tête, lorsque s’abat l’épée du bourreau. Maria Stuarda est drapée dans un riche brocart vert feuille, tandis que la robe d’Elisabetta, d’un blanc diaphane, laisse entrevoir un vertugadin également blanc, l’ensemble du vêtement laissant la sensation d’une reine aux portes de la mort.
Le premier mérite de Sondra Radvanovsky est de différencier clairement chaque héroïne, tout en apportant aux trois la même intensité dramatique. Vocalement, on ne sait qu’admirer le plus, entre la précision des traits de virtuosité, l’amertume et la colère irriguant chaque explosion de violence, et la vulnérabilité des accents quand vient l’heure de la plainte. Bref, une performance en tout point mémorable.
Autour, on découvre avec plaisir plusieurs solistes issus du « Patrick G. & Shirley W. Ryan Opera Center », le fameux programme de formation pour jeunes artistes du Lyric Opera. Ils n’ont pas énormément de choses à chanter, bien sûr, mais ils le font avec autant de maîtrise que de conviction.
Riccardo Frizza, enfin, respire de bout en bout avec sa prima donna, à la tête du brillant orchestre et des chœurs du Lyric Opera, remarquablement préparés par Michael Black.
WILLIAM SHACKELFORD
PHOTO © TODD ROSENBERG