Avec presque 20 ans d’âge, cet Elisir d’amore toulousain conserve ses pouvoirs d’enchantement. Créée en 2001, reprise en 2007 (voir O. M. n° 16 p. 58 de mars), la mise en scène d’Arnaud Bernard séduit toujours par sa tonicité. Rien de révolutionnaire, peut-être, mais l’habile présentation, dans un cadre 1900, de l’un des chefs-d’œuvre du théâtre lyrique.
En référence au spectacle forain, aux débuts du cinéma et aux évolutions de la photographie vers la même époque, l’agitation continuelle des hommes et des machines se fige soudain dans de surprenants « arrêts sur image ». Une science accomplie des cadrages permet, en outre, de naviguer sans peine entre plans rapprochés et plans d’ensemble. On y ajoutera le charme des costumes de teintes claires, la subtilité des éclairages et la parfaite caractérisation des divers protagonistes.
En comparaison, la direction musicale de Sesto Quatrini paraît un peu raide, énergique certes, mais sans cette pointe d’ironie, sans cette légèreté de ton, sans ce frémissement de tous les instants que l’on peut attendre pour un tel ouvrage.
Initialement affiché en deuxième distribution, Kévin Amiel a aussi chanté Nemorino le soir de la première, le 27 février, en remplacement d’Otar Jorjikia, souffrant. Avec cette prise de rôle, le jeune ténor français confirme tous les espoirs que l’on avait pu fonder sur lui lorsque, la saison dernière, il avait incarné Alfredo Germont dans La traviata sur cette même scène.
Sa formidable aisance scénique s’accompagne de qualités vocales tout aussi remarquables. Son timbre sait être charmeur sans être mièvre, lumineux sans trop d’insolence, émouvant sans pathos superflu. Avec autant de sensibilité que de panache, Kévin Amiel campe un Nemorino jamais banal.
C’est avec une grande classe et une voix superbe d’assurance que Vannina Santoni incarne Adina. Le ton est souverain, et sait plus d’une fois se souvenir de Mozart. L’élégance et le piquant ne sont pas en reste.
En comparaison, la prestation de Gabrielle Philiponet peut paraître plus modeste. C’est dans les moments les plus dramatiques, lorsque la coquette consent à se montrer amoureuse, que sa voix trouve ses accents les plus touchants.
Sergio Vitale et Ilya Silchukov en Belcore, Marc Barrard et Julien Véronèse en Dulcamara, composent des personnages hauts en couleur, en évitant une caricature trop sommaire. À peine leur manque-t-il à tous cette rondeur de ton, ce supplément de verve comique, qui feraient de leur interprétation correcte des compositions inoubliables.
Au palmarès de cette belle reprise, on ne saurait oublier les interventions de Céline Laborie en Giannetta, ni la participation toujours aussi pertinente du Chœur du Capitole.
PIERRE CADARS
© PATRICE NIN