Arena, 1er août
Disparu quelques jours avant la première de cette nouvelle production de La traviata, Franco Zeffirelli, malade depuis de nombreuses semaines, n’y a vraisemblablement pris qu’une part limitée – la mention, sur l’affiche, de collaborateurs à la mise en scène (Massimo Luconi) et aux décors (Carlo Centolavigna) n’est sans doute pas le fait du hasard.
Le spectacle n’en porte pas moins la griffe du célèbre réalisateur, repérable d’emblée dans le caractère luxueux de la scénographie : au I et au III, le grand salon de la demeure de Violetta, avec la chambre à l’étage supérieur, elle-même précédée d’une antichambre et d’un couloir, d’où part l’escalier reliant les deux niveaux ; au II, l’extérieur d’une serre dans le style Liberty, puis l’énorme galerie de la maison de Flora. Sans oublier, sur les côtés de cet imposant dispositif, une succession de loges, comme dans les théâtres à l’italienne.
Dommage que fasse défaut, comme dans la plupart des productions de la deuxième moitié de carrière de Zeffirelli, un véritable concept dramaturgique, dépassant le stade de la simple illustration, aussi somptueuse soit-elle. La direction d’acteurs est sommaire, s’en remettant aux dons de chacun des interprètes, et la seule idée un peu originale prend place avant même que le spectacle ne commence : alors que les premières notes du Prélude n’ont pas encore retenti, un cortège funèbre traverse le plateau, au son du glas.
À en juger par les réactions du public, qui applaudit chaque changement de décor à vue et s’émerveille d’un banal feu d’artifice, à la fin du ballet des matadors chez Flora, cette Traviata plaît. Néanmoins, on peut légitimement se demander si l’intention de Verdi était de sidérer les spectateurs à coups d’effets spéciaux. Ne voulait-il pas, avant tout, raconter une histoire dénonçant l’hypocrisie de la société de son époque, thématique dont Zeffirelli et son équipe ne semblent pas se soucier un seul instant ?
Marco Armiliato, dirigeant une édition affligée des coupures « d’usage », garantit l’équilibre entre fosse et plateau dans les passages les plus dramatiques. Les confessions intimes, en revanche, souffrent d’une dilatation excessive des tempi qui nuit à la qualité de l’orchestre, dans l’ensemble médiocre.
Scéniquement convaincante, Lisette Oropesa laisse une impression globalement positive en Violetta, malgré quelques tensions dans l’aigu, en lien avec un contrôle parfois insuffisant du souffle et de menus défauts d’intonation.
Très excité et agressif, l’Alfredo de Vittorio Grigolo se calme uniquement dans l’extase amoureuse, l’émission retrouvant alors une certaine légèreté et le phrasé se faisant plus nuancé. Cette conception, parfaitement défendable dans la mesure où elle met en relief l’immaturité affective et le caractère capricieux du personnage, se heurte, malheureusement, à des handicaps techniques bien connus : mezze voci étouffées, aigus plus volumineux que brillants.
Placido Domingo demeure un immense artiste, que le public salue d’interminables ovations au rideau final. Il n’est pourtant pas dans sa meilleure forme vocale, en cette soirée du 1er août, célébrant le 50e anniversaire de ses débuts à Vérone. La discipline rythmique et la prononciation sont approximatives, le legato est absent et, plus d’une fois, le parlando se substitue à la ligne mélodique.
D’une équipe de comprimari bien modeste, on détachera le Gastone de Carlo Bosi et la Flora de Clarissa Leonardi.
PAOLO DI FELICE
PHOTO © FOTO ENNEVI