Auditori Parc del Castell, 9 août
Les récitals avec orchestre des vedettes de l’art lyrique font partie de l’ADN du Festival « Castell de Peralada ». Oriol Aguila, son entreprenant directeur, a donc raison d’inviter, à intervalles réguliers, Placido Domingo, Jonas Kaufmann ou Juan Diego Florez. Le public vient nombreux et sort ravi. Que demander de plus ?
À titre personnel, nous aurions aimé que le ténor péruvien sorte un peu des « standards » de son répertoire en évitant, pour son retour à Peralada, de chanter les mêmes morceaux que lors de sa dernière apparition à l’Auditori, en 2015. Non qu’il se montre inférieur à sa réputation dans « Salut ! demeure chaste et pure » (Faust), « Ah ! lève-toi, soleil » (Roméo et Juliette) et « Tombe degli avi miei » (Lucia di Lammermoor), trois pages dans lesquelles son aigu facile, son style impeccable et sa diction parfaite accomplissent des merveilles. Mais pourquoi ne pas avoir choisi à la place, quitte à rester dans l’opéra français et Donizetti, les plus rares La Dame blanche, Le Postillon de Lonjumeau et Lucrezia Borgia, dont il a enregistré les airs pour Decca ?
Les duos avec la soprano arménienne Ruzan Mantashyan, jolie voix puissante et sûre, apportent heureusement une touche d’originalité. « Nuit d’hyménée ! » (Roméo et Juliette), « Sulla tomba che rinserra » (Lucia di Lammermoor) et « Nous vivrons à Paris tous les deux » (Manon) n’appellent aucun reproche, le plus inattendu arrivant en fin de programme : « Che gelida manina ! », inexplicablement précédé (et non suivi) de « Si. Mi chiamano Mimi », puis « O soave fanciulla ».
Sauf erreur, Juan Diego Florez n’a pas encore chanté La Bohème dans son intégralité. Avec Gianni Schicchi, c’est sans doute le seul opéra de Puccini à sa portée, d’autant qu’Alfredo Kraus, son modèle absolu de carrière, l’a enregistré. Reste que l’on attend un peu plus d’ampleur dans le finale du premier acte, la flamme de Rodolfo paraissant ici un rien étriquée.
Ruzan Mantashyan, en revanche, est parfaitement à sa place en Mimi, comme en Marguerite de Faust (« Ah ! Je ris »), et davantage qu’en Juliette légère et virtuose (« Je veux vivre »).
Les bis n’ajoutent rien à la gloire du ténor, ni à ce que nous connaissons de lui. Granada possède tout ce qu’il faut de séduction latine, les chansons dans lesquelles il s’accompagne lui-même à la guitare plongent les spectateurs dans l’extase, et « Nessun dorma » (Turandot) confirme, s’il en était besoin, à quel point Juan Diego Florez se heurte aux limites naturelles de son instrument dans sa conquête de nouveaux répertoires. Au bout de vingt-cinq années d’une carrière commencée très tôt, la voix n’a pas bougé d’un iota, ou presque : toujours aussi facile, toujours aussi charmeuse et… toujours aussi légère.
Sous la baguette de Guillermo Garcia Calvo, l’Orquestra Simfonica del Vallès se contente d’accompagner les chanteurs. Le public, nous l’avons dit, sort ravi. C’est cela le plus important.
RICHARD MARTET
PHOTO © MIQUEL GONZÁLEZ