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Dysfonctionnements

24/06/2019

Deux disparitions sont venues endeuiller la fin du printemps 2019. Celle de Franco Zeffirelli, l’illustre metteur en scène et cinéaste italien, le 15 juin, à l’âge de 96 ans, auquel Opéra Magazine rendra plus ample hommage dans son numéro de rentrée. Celle d’Eva Kleinitz, deux semaines plus tôt, le 30 mai, à l’âge de 46 ans.

J’avais beaucoup d’estime pour la directrice générale de l’Opéra National du Rhin qui, depuis sa prise de fonctions officielle, en septembre 2017, avait entrepris un travail remarquable. D’abord en rajeunissant le public et en ouvrant la programmation à de nouvelles formes. Ensuite en affichant des productions de très haute qualité, dans des répertoires peu ou pas du tout fréquentés : Francesca da Rimini de Zandonai, Beatrix Cenci de Ginastera…

Son décès ouvre, aussi tristement qu’inévitablement, le problème de sa succession, dans un paysage lyrique français en pleine mutation. J’ose à peine revenir sur la nomination du futur directeur de l’Opéra National de Paris, que des oracles se croyant bien informés nous ont annoncée comme imminente, toute la semaine du 17 juin, voire certaine pour le 21 juin, jour de la Fête de la Musique.

Nous n’avons, bien évidemment, vu sortir aucune fumée blanche de l’Élysée et, à l’heure où j’écris ces lignes, le 24 juin, l’attente se poursuit. Espérons, chers lecteurs, qu’au moment où vous recevrez ce numéro dans votre boîte aux lettres, le président de la République se sera enfin décidé !

Un autre processus de nomination vient de connaître une conclusion ahurissante. Les 3 et 4 juin, en effet, le site internet forumopera, puis celui de France Musique, ont annoncé qu’après l’examen des projets remis par les candidats présélectionnés et les auditions, le jury de recrutement avait décidé de ne retenir aucun candidat pour la direction générale de l’Opéra de Lyon, un nouvel avis d’appel à candidature devant être lancé prochainement, pour une nomination souhaitée d’ici l’automne !

Comment a-t-on pu en arriver là, surtout dans le deuxième théâtre d’opéra de France, réputé pour son fonctionnement parfaitement huilé et le sérieux de sa programmation ? Selon nos informations, le jury de recrutement, lors des auditions, a bien choisi un candidat parmi les six figurant sur la « short list », dont le nom a été annoncé au conseil d’administration, le 23 mai. Ne restait plus à ce même conseil qu’à prononcer sa nomination, après agrément du maire de Lyon et du ministre de la Culture, comme le spécifient les statuts et l’appel à candidature lancé au mois de janvier.

Certains membres du conseil d’administration se sont-ils montrés réticents ? Un courrier envoyé le même jour à Gérard Collomb, maire de Lyon, par le secrétaire général du SAMPL-CGT (Syndicat des Artistes Musiciens Professionnels et Enseignants de la musique et de la danse de Lyon et de la Région Rhône-Alpes), a-t-il joué un rôle ? Il détaillait ce qu’étaient, aux yeux du syndicat, les handicaps du candidat retenu et alertait sur l’inopportunité de sa nomination…

Tout ceci est consternant, comme l’est, pour d’autres raisons, le feuilleton de l’Opéra de Paris. Car repartir à zéro soulève un certain nombre de questions. Par exemple, les cinq candidats de la « short list », informés qu’ils n’avaient pas été retenus après leur audition, pourront-ils à nouveau faire acte de candidature ? Et le voudront-ils après ce qui vient de se passer ? Qu’arrivera-t-il si le nouveau candidat choisi par le jury n’a pas l’heur de plaire à telle ou telle instance ? Peut-être serait-il plus prudent, comme cela se fait d’ordinaire, de soumettre deux noms à l’agrément des tutelles et au vote du conseil d’administration, histoire de ne pas se couper l’herbe sous le pied…

D’autres théâtres sont, ou seront bientôt, en phase de recrutement de leur futur directeur, à commencer par l’Opéra Grand Avignon et l’Opéra Nice Côte d’Azur. Tout ce que l’on peut souhaiter, c’est que le processus de nomination se passe enfin de manière normale. Car Paris et Lyon révèlent des dysfonctionnements inquiétants sur la gestion de la chose publique en France.

RICHARD MARTET

PHOTO © DR

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