Philharmonie, Grande Salle, 28 mai
Rarement soprano solo aura-t-elle à ce point dominé le quatuor de solistes du Stabat Mater de Rossini ! Après tant de représentations et de disques handicapés par un fort vibrato et des dérapages dans la justesse, Sonya Yoncheva est apparue dans une forme rayonnante : timbre capiteux, aigu projeté avec arrogance, phrasé tour à tour véhément et caressant… Quand elle chante ainsi, la cantatrice bulgare fait largement jeu égal avec Anna Netrebko et Anja Harteros, ses deux seules rivales aujourd’hui dans le registre lirico spinto (l’attachante Sondra Radvanovsky constitue un cas à part, en raison d’une couleur de voix nettement moins séduisante que ses trois consœurs).
Pour ce concert à la Philharmonie, coproduit avec « Les Grandes Voix », il est dommage que Sonya Yoncheva n’ait pas à ses côtés des partenaires capables de se hisser à son niveau, aussi bien en termes de richesse de timbre que de puissance. Roberto Tagliavini est celui qui résiste le mieux dans les passages en quatuor, notamment dans le « Quartetto a sole voci n° 9 » (Quando corpus), souvent confié au chœur par les chefs. La basse italienne possède une voix saine, sonore, et un sens du style dont bénéficient également ses interventions en solo.
Celso Albelo, sans démériter, déçoit. Il semble que la voix du ténor espagnol a perdu un peu de l’éclat et de la facilité qui nous avait tellement impressionné dans Guillaume Tell, à Monte-Carlo, en 2015. L’interprète est, de surcroît, en retrait, comme s’il s’effaçait derrière sa charismatique partenaire.
Que dire, enfin, de Chiara Amarù ? L’estimable mezzo-soprano italienne, qui rend de bons et loyaux services dans de nombreux théâtres, n’est pas à sa place. La projection est insuffisante pour une salle de 2 400 places, surtout aux côtés d’une soprano en état de grâce qui, sans jamais forcer, la réduit au rang de comprimaria dans le « Duetto n° 3 » (Quis est homo).
Par chance, Domingo Hindoyan, l’époux de Sonya Yoncheva (le couple attend son deuxième enfant pour l’automne), dirige avec tellement de science qu’il aplanit la trop grande disparité entre les solistes. À la tête d’un excellent Orchestre de Chambre de Paris et d’un Chœur de Radio France particulièrement bien disposé, préparé par Martina Batic, le chef helvético-vénézuélien privilégie la légèreté du son et la clarté des textures, tout en sachant, au moment opportun, insuffler ce qu’il faut d’intensité théâtrale.
RICHARD MARTET
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