Comptes rendus La Damnation de Strasbourg bientôt en CD
Comptes rendus

La Damnation de Strasbourg bientôt en CD

06/05/2019

Strasbourg, PMC, Salle Érasme, 25 & 26 avril

Bien que faisant partie, tout à fait normalement, de la saison de concerts d’abonnement de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, ces deux soirées consacrées à La Damnation de Faust bénéficient d’une audience particulière. D’abord parce qu’elles sont enregistrées sur le vif par Erato, comme les mémorables Troyens d’il y a deux ans. Et puis aussi parce qu’elles sont, pour les musiciens strasbourgeois, l’occasion de se faire entendre sous un bien meilleur jour que dans l’incommode fosse de l’Opéra National du Rhin, à l’acoustique problématique de boîte à chaussures.

En concert, dans la très bonne Salle Érasme du Palais de la Musique et des Congrès (PMC), le résultat est tout autre, l’Orchestre pouvant bénéficier à la fois du considérable travail de fond accompli, depuis 2012, avec son directeur musical Marko Letonja, et de la liberté particulière avec laquelle il parvient à fonctionner sous la baguette de John Nelson.

Une transparence sans lourdeur, une grande réactivité instantanée, voire une excellente musicalité individuelle pour les titulaires de chaque pupitre (cor anglais, alto, clarinette, hautbois, cor…), font actuellement de cet orchestre un instrument idéal pour Berlioz, le chef américain n’ayant plus qu’à stimuler ses élans et modeler ses phrasés à mains nues pour obtenir de magnifiques résultats, tantôt subtils, tantôt grandioses.

Dans ce contexte, le choix du Coro Gulbenkian de Lisbonne est excellent. L’effectif est fourni, et l’articulation du français, qui pourrait poser problème, se révèle tout à fait correcte. Là encore, plutôt que le volume sonore brut, ce sont les intentions dramatiques et la théâtralité des situations qui sont privilégiées, ce qui n’exclut pas des passages très nourris (le « Pandémonium » et l’« Apothéose » finale).

Côté solistes, un certain luxe est de mise, mais pour le Faust de Michael Spyres, on dépasse de loin ce simple niveau de vedettariat discographique. Sans partition, constamment debout, le ténor américain investit son rôle avec une intensité rare : un chant dont pas une note n’est indifférente, toujours sur le fil d’une émotion qui peut même fragiliser l’émission (la redoutable fin de l’« Invocation à la nature »), mais qui maintient impérieusement l’auditeur en haleine, avec une projection et une limpidité de diction extraordinaires.

Joyce DiDonato incarne une Marguerite frémissante, semblant portée par la direction d’orchestre jusqu’à un état de grâce où elle n’a plus besoin du tout de surcharger son chant d’intentions. Quant à Alexandre Duhamel, il offre un Brander franc et sans apprêt.

Nicolas Courjal paraît, en revanche, diamétralement opposé dans ses options : son personnage est très composé, gestique et mimiques « diaboliques » à l’appui, mais la voix manque de substance et de legato pour « Voici des roses », dont la ligne se fragmente en pointillés. Un Méphistophélès dont la perception sera peut-être meilleure au disque, les rééquilibrages d’enregistrement aidant.

En tout cas, une intégrale de La Damnation de Faust dont on peut attendre le meilleur.

LAURENT BARTHEL

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