Opéra Bastille, 27 avril
Il y a des productions marquantes qu’on n’est pas pressé de revoir, et d’autres dont on fête chaque nouvelle vision. Die Zauberflöte par Robert Carsen (2013) est de ces dernières, et l’on est sous le charme toujours de sa méditation mélancolique sur l’inéluctable passage du temps et la venue de la mort, mais pour une promesse de résurrection, dans un monde pacifié et réconcilié.
Pour sa troisième reprise à l’Opéra Bastille (voir, en dernier lieu, O. M. n° 126 p. 59 de mars 2017), elle offre l’attrait d’une distribution en grande partie nouvelle et majoritairement latine. C’est un sans-faute, et même plus que cela. On est ainsi heureux de retrouver un Florian Sempey au sommet de ses moyens, Papageno truculent, d’une drôlerie irrésistible, et autant souverain dans la ligne de chant que dans l’occupation de la scène : déjà un classique.
Au sortir de son brillant Tom Rakewell dans The Rake’s Progress à Nice (voir O. M. n° 149 p. 53 d’avril 2019), Julien Behr retrouve le Tamino de ses débuts à l’Opéra National de Paris : encore plus ardent et intense, au grain doré lumineux mais mordant aussi, et dont l’héroïsme est aux antipodes de trop de princes falots. La Pamina de Vannina Santoni paraît d’abord un peu légère, mais la voix gagne vite en largeur, pour culminer dans un « Ach, ich fühl’s » de toute beauté, merveilleusement phrasé, et profondément émouvant.
Non moins séduisante en scène, Jodie Devos domine sans difficulté la tessiture de la Reine de la Nuit, avec des aigus qui conservent toute la qualité d’un timbre charmeur, en accord parfait avec le personnage fondamentalement enclin à la bonté voulu par la production. Excellemment accordées, ses trois Dames sont, elles aussi, d’une présence attachante.
Mathias Vidal adopte autant la gestique bondissante de Monostatos que l’éclat agressif de ses imprécations et de ses désirs méchants : le personnage crève l’écran. Le Sarastro de Nicolas Testé, avec suffisamment de graves sans être vraiment profond, est d’une noblesse sereine et chaleureuse. Enfin, pour ses débuts in loco, Chloé Briot, impeccable dans la verve du dialogue parlé, donne une Papagena d’un charme irrésistible.
Avec des Chœurs superlatifs et un Orchestre de l’Opéra National de Paris exemplaire, Henrik Nanasi redonne la lecture, toute d’intelligence et de finesse, qui nous avait déjà enchanté, en 2017.
Les reprises précédentes avaient toujours leur point faible. Celle-ci est peut-être la plus harmonieuse et la mieux équilibrée.
FRANÇOIS LEHEL
PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/SVETLANA LOBOFF
Représentations les 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21, 30 mai, 4, 7, 12, 15 juin.