DANS LES CINÉMAS LE SAMEDI 12 JANVIER À 18H55, EN PARTENARIAT AVEC PATHÉ LIVE
Metropolitan Opera, 8 janvier
Après avoir connu un triomphal lever de rideau, le soir du 31 décembre, la nouvelle production d’Adriana Lecouvreur a de nouveau enthousiasmé le public le 8 janvier. Nouvelle pour le Met, entendons-nous bien, puisque, créée en 2010 au Covent Garden de Londres (voir O. M. n° 58 p. 46 de janvier 2011), où elle a été filmée (DVD Decca), elle a ensuite fait les beaux soirs du Staatsoper de Vienne, du Liceu de Barcelone, de l’Opéra de Paris…
Dans cet écrin traditionnel et fastueux, qui occupe bien l’immense plateau du Met, l’intérêt se concentre principalement sur les chanteurs, à commencer par la première Adriana in loco d’Anna Netrebko, idole du public new-yorkais depuis de longues années. Au fil des saisons, les spectateurs ont pu, notamment, mesurer l’évolution vocale de la soprano russo-autrichienne, aux pianissimi aigus toujours aussi aériens, mais au médium désormais plus sombre et plus robuste.
Avouons que la diva, après plus de vingt années de carrière, met un peu de temps à s’échauffer, accusant quelques incertitudes de justesse dans « Io son l’umile ancella ». Mais elle trouve vite son rythme de croisière, dans un rôle idéalement adapté à ses moyens actuels, où elle peut à loisir faire valoir ce cocktail de sensualité, de charme et de sincérité qui la rend unique dans le panorama actuel.
Devenue, elle aussi, l’une des cantatrices fétiches de la maison, Anita Rachvelishvili impose une nouvelle référence en Princesse de Bouillon, sa voix riche et puissante se projetant dans le vaste espace du Met avec une générosité et une fermeté sans faille. Exploitant à bon escient son impressionnant registre grave, la mezzo géorgienne sait plier son instrument à la nuance piano pour traduire la part de vulnérabilité de la volcanique aristocrate, prête au crime pour se débarrasser de sa rivale. Anna Netrebko ne pouvait rêver meilleure adversaire pour le spectaculaire affrontement de la fin du deuxième acte !
Michonnet est un personnage difficile à incarner, en raison de son curieux mélange de buffo et d’éloquence très « grand opéra ». Souvent distribué à des barytons en fin de carrière, il gagne à être confié à un interprète en pleine possession de ses moyens. Ambrogio Maestri chante non seulement très bien, mais possède de remarquables qualités de diction, qui lui permettent de respecter les moindres subtilités du texte en les rendant perceptibles aux oreilles du public. Pour ce qui est de la netteté de l’italien, c’est lui, sans hésiter, qui sort vainqueur de la représentation !
Piotr Beczala campe un Maurizio vocalement honorable, sans jamais marquer le rôle de son empreinte. Franchissant sans faillir les embûches, le ténor polonais manque de la chaleur dans le timbre et du charme indispensables ici.
Les comprimari sont excellents, sous la baguette sensible de Gianandrea Noseda, qui tire de l’orchestre du Met des sonorités idéalement lumineuses et délicates.
Au bilan, une soirée de très grand relief, digne de la réputation de la maison, et un triomphe amplement mérité, pour Anita Rashvelichvili et Anna Netrebko en particulier.
DAVID FOX
PHOTO : © MET OPERA/KEN HOWARD