Comptes rendus Aleksandra Kurzak & Roberto Alagna, coupl...
Comptes rendus

Aleksandra Kurzak & Roberto Alagna, couple verdien

18/12/2018

Luisa Miller

Auditorium Rainier III, 15 décembre

La version de concert de Luisa Miller, présentée dans l’Auditorium Rainier III, à l’acoustique chaleureuse et précise,  est une première pour l’Opéra de Monte-Carlo. Une distribution de rêve confirme la pertinence du projet.

L’Orchestre  Philharmonique de Monte-Carlo  s’investit dans une Ouverture sans nulle précipitation. Dans la mobilité du discours musical, la tension dramatique ne se relâche ensuite jamais, en particulier lorsque Maurizio Benini équilibre les contrastes entre mouvements lents, accélérations saisisssantes et plages de silence, les passages chantés a cappella révèlant la fermeté de la direction.

Préparé par Stefano Visconti, le Choeur de l’Opéra met en lumière chaque moment du drame. Son récit de l’arrestation de Miller,  au début de l’acte II, son rappel du thème de l’ouverture, à l’acte III (« Come in un giorno solo »), les conseils et les commentaires qu’il prodigue en font un véritable personnage du drame.

Aleksandra Kurzak allie la technique la plus sûre à un charme vocal très personnel (timbre, ductilité de la ligne de chant, élégance du phrasé). Ces atouts lui permettent, sans le secours de la scène, de recréer l’évolution de Luisa, depuis le chant orné (notes piquées, trilles) de son  premier air jusqu’aux  intervalles dramatiques qui lui succèdent, proches de ceux d’Abigaille et Odabella, et aux dernières phrases du rôle, dignes de Violetta. L’interprétation de la soprano polonaise montre à quel point l’écriture de La traviata et des chefs-d’œuvre ultérieurs se construit dans Luisa Miller.

Le parcours et la maîtrise de Roberto Alagna ne cessent d’étonner : alors qu’il alterne les emplois dramatiques et le pur bel canto, il délivre une interprétation sensible et brillante de Rodolfo. Le finale du premier acte, l’aria tant attendue du deuxième, la vigueur des affrontements avec Walter et Luisa, suscitent l’enthousiasme.

Avec Artur Rucinski, à l’émission haute, à l’aigu glorieux, à la projection impressionnante, se révèle un nouveau titulaire pour Miller. L’air « Sacra la scelta è d’un consorte  », le finale du I, le duo avec Luisa (« Andrem, raminghi e poveri ») laissent beaucoup espérer de la maturation qu’il ne manquera pas d’apporter au personnage du vieux soldat et du père éprouvé.

Les agents de la ruine, deux basses et une mezzo, ne souffrent pas de la comparaison avec ces sommets. Ekaterina Sergueïeva, dont la voix homogène et  timbrée sied à la noble duchesse, Vitalji Kowaljov et In-Sung Sim, basses complémentaires, l’un dans l’autorité monolithique, l’autre dans la perfidie, soutiennent la gageure. Les interventions  d’Antonella Colaianni et Vincenzo Di Nocera se situent au même plan de l’incontestable.

Pourquoi ne propose-t-on pas plus souvent Luisa Miller ? Parce qu’il y faut l’excellence. Elle est, ce soir, au rendez-vous.

PATRICE HENRIOT

PHOTO : © ALAIN HANEL

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