Disparu le 21 octobre dernier, à l’âge de 92 ans, le chef néerlandais a beaucoup plus œuvré dans l’univers symphonique que dans celui de l’opéra. Il n’en a pas moins participé à des productions et des enregistrements passés à la postérité, notamment quand il était directeur musical du Festival de Glyndebourne, puis du Covent Garden de Londres.
Un homme discret, qui s’effaçait derrière la partition, tel était Bernard Haitink. Pourtant, dans la fosse, comme au concert, il distillait l’évidence, le bonheur même. Souvent, on s’est interrogé, lors de la rédaction de discographies, revenant sur tel de ses très nombreux enregistrements (près de cinq cents !) : superbe, pourquoi n’y revient-on pas d’instinct ? Tel est le mystère Haitink, sa vérité, sans doute : il ne comptait pas. Si on venait le voir, l’entendre diriger, il vous imposait de ne pas suivre son bras, de ne pas s’intéresser à sa personne – on le disait affable, délicieux même, et plein d’humour – mais à ce que pensait le compositeur. Aucun glamour, aucun théâtre personnel, aucune starisation dans cette présence, à laquelle le « live » donnait sa vraie dimension de serviteur, mais serviteur pour la gloire de ses maîtres.
Né à Amsterdam, le violon l’avait vite attiré, la direction d’orchestre aussi. Un concours radiophonique lui ouvrirait les portes, en 1954, du Netherlands Radio Philharmonic… et, surtout, en 1956, celles du Concertgebouw. Entente immédiate : quand, en 1959, disparaîtrait Eduard van Beinum, c’est à lui qu’on offrirait, deux ans plus tard, sa succession ! Créant un lien d’osmose avec la plus célèbre formation des Pays-Bas, il lui resterait lié jusqu’à son centenaire, en 1988. Son répertoire ? Les grands classiques, de Mozart à Richard Strauss, Beethoven, Brahms, mais aussi, encore rares alors, Mahler et Bruckner – tradition de Mahler lui-même, et de Willem Mengelberg oblige – et, très vite, Chostakovitch. Cette gloire locale suffisait amplement à Bernard Haitink. Mais Philips, de son formidable legs enregistré, ferait son renom mondial.